• Texte : Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, postambule,

    Olympe de Gouges, 1791.

     

    Femme, réveille-toi ; le tocsin1 de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. O femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l'homme ; la réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature. Qu'auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du législateur des noces de Cana2 ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est plus de saison3, ne vous répètent : « Femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? — Tout », auriez-vous à répondre. S'ils s'obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence4 en contradiction avec leurs principes, opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l'énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampant à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l'Etre suprême5. Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir. Passons maintenant à l'effroyable tableau de ce que vous avez été dans la société ; et puisqu'il est question, en ce moment, d'une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l'éducation des femmes.

    Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation6 ont été leur partage7. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l'administration nocturne8 des femmes ; le cabinet9 n'avait point de secret pour leur indiscrétion10 : ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat11, enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane12 et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l'ambition de ce sexe13 autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé.

    Dans cette sorte d'antithèse, que de remarques n'ai-je point à offrir ! Je n'ai qu'un moment pour les faire, mais ce moment fixera l'attention de la postérité la plus reculée14. Sous l'ancien régime, tout était vicieux, tout était coupable ; mais ne pourrait-on pas apercevoir l'amélioration des choses dans la substance même des vices ? Une femme n'avait besoin que d'être belle ou aimable ; quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. Si elle n'en profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune qui la portait aux mépris des richesses ; alors elle n'était plus considérée que comme une mauvaise tête. La plus indécente se faisait respecter avec de l'or, le commerce des femmes était une espèce d'industrie reçue dans la première classe15, qui, désormais, n'aura plus de crédit16. S'il en avait encore, la révolution serait perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus. Cependant la raison peut-elle se dissimuler que tout autre chemin à la fortune est fermé à la femme que l'homme l’achète comme l'esclave sur les côtes d'Afrique ? La différence est grande, on le sait. L'esclave commande au maître ; mais si le maître lui donne la liberté sans récompense, et à un âge où l'esclave a perdu tous ses charmes, que devient cette infortunée17 ? Le jouet du mépris ; les portes mêmes de la bienfaisance lui sont fermées ; « Elle est pauvre et vieille, dit-on, pourquoi n'a-t-elle pas su faire fortune ? »18 D'autres exemples encore plus touchants19 s'offrent à la raison. Une jeune personne sans expérience, séduite par un homme qu'elle aime, abandonnera ses parents pour le suivre ; l'ingrat la laissera après quelques années, et plus elle aura vieilli avec lui, plus son inconstance20 sera inhumaine ; si elle a des enfants, il l'abandonnera de même. S'il est riche, il se croira dispensé de partager sa fortune avec ses nobles victimes21. Si quelque engagement le lie à ses devoirs, il en violera la puissance en espérant tout des lois. S'il est marié, tout autre engagement perd ses droits. Quelles lois reste-t-il donc à faire pour extirper le vice jusque dans la racine ? Celle du partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de l'administration publique. On conçoit aisément que celle qui est née d'une famille riche gagne beaucoup avec l'égalité des partages. Mais celle qui est née d'une famille pauvre, avec du mérite et des vertus, quel est son lot ? La pauvreté et l'opprobre22. Si elle n'excelle pas précisément en musique ou en peinture, elle ne peut être admise à aucune fonction publique, quand elle en aurait toute la capacité23. Je ne veux donner qu'un aperçu des choses, je les approfondirai dans la nouvelle édition de tous mes ouvrages politiques, que je me propose de donner au public dans quelques jours, avec des notes.

     

    950 mots

     

    Résumez ce texte en 237 mots ; une tolérance de plus ou moins 10 % est admise : les limites sont donc fixées à au moins 213 mot et au plus 261 mots.

     

    Conseils :

    1) Lisez plusieurs fois le texte en notant le sens des mots ou expressions que vous ne comprenez pas.

    2) Repérez les connecteurs logiques et les grands mouvements de l’argumentation.

    3) Repérez les idées importantes de chaque partie, résumez les en une phrase.

    4) Rédigez votre résumé à partir de ces phrases clés, en utilisant des connecteurs logiques.

    Note : Vous devez utiliser la première personne comme si vous étiez l’autrice.

     

     Glossaire : 

    1 Sonnerie qui donne l’alarme.

    2 Repas de noces au cours duquel Jésus, d’après les Evangiles, aurait transformé de l’eau en vin. L’expression « le législateur des noces de Cana » désignerait Jésus lui-même.

    3 Qui n’est plus d’actualité.

    4 A cette sottise.

    5 Le culte de l’Etre Supreme a été imposé par Robespierre après la Révolution.

    6 Hypocrisie.

    7 Ont été leur manière de se comporter.

    8 Clandestine.

    9 Les lieux de pouvoir secrets.

    10 Leurs interventions ; Olympes de Gouges prétend que sous l’Ancien Régime, les femmes avaient beaucoup plus de pouvoir dans la société qu’après la Révolution..

    11 Pontificat et cardinalat : lieux de pouvoir religieux.

    12 Qui est extérieur à la religion.

    13 Le sexe féminin.

    14 Des plus lointains descendants.

    15 Une pratique courante chez les nobles et dans la haute bourgeoisie.

    16 Qui ne se fait plus.

    17 Olympes de Gouges compare la condition de la femme à celle des esclaves.

    18 Les femmes pauvres et âgées souffrent de discrimination.

    19 Encore plus frappants.

    20 L’infidélité de l’homme.

    21 Il ne souhaiteras pas partager sa fortune avec cette femme et ses enfants.

    22 La honte sociale.

    23 Même si elle en avait les capacités.

     

     

    Contraction

     

    Femmes, prenez possession de vos droits. Les Lumières ont éclairé les hommes, la Révolution les a libérés. Le pouvoir dont vous disposiez autrefois a été détruit et ces changements ne vous ont rien apporté, sauf la certitude que vous êtes injustement traitées. Réclamez ce qui vous revient, unissez vos intelligences, vos forces ; les hommes s’inclineront. Vous le pouvez. A présent, décrivons quelle était votre place sous l’Ancien Régime.

    Les femmes usaient de séduction, de stratagèmes qui les rendaient toutes puissantes. Elles œuvraient dans l’ombre pour tous les hauts lieux. Elles disposaient d’un pouvoir absolu et indigne ; leur situation est inverse depuis la Révolution.

    Ce constat frappant m’a incitée à livrer des réflexions importantes pour les générations futures. Sous l’Ancien Régime, on attendait d’une femme qu’elle plaise. Si elle ne se conformait pas à cette attente, elle était mise à l’écart du monde. On pratiquait le commerce des femmes dans la haute société. Cela ne se fait plus. Le sort de la condition féminine est comparable à celui des esclaves. Mais si la femme est délaissée par son maître, on la méprise. Par exemple, une jeune femme qui quittera tout pour un homme peut être abandonnée par celui-ci, quelque soit sa situation ; il s’arrangera pour avoir la loi de son côté. Afin d’éviter cela, il est nécessaire de partager les biens et les droits. Les jeunes femmes pauvres, sans talent particulier, sont les plus vulnérables. Je développerai ce propos dans mes prochains ouvrages.

     

    246 mots

     

     


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  •  

    Je remercie ma collègue Joëlle Garand, enseignante en Lettres Modernes, qui m’a fourni plusieurs pistes et documents de sa composition pour ces séances sur Les Sonnets de Louise Labé. Certains points concernant la vie et l'oeuvre de Louise Labé ont été trouvés sur d'autres blogs pédagogiques et/ou littéraires.

     

    Louise Labé : vie et oeuvre

     

     

    I-Louise Labé ou le mystère de la Belle Cordière

      

                                               

     Accompagnement de lecture cursive : Louise Labé, Sonnets 

    Portrait de Louise Labé par Pierre Woeiriot, 1555.

     

    Le graveur a mis en valeur l’élégance de cette qu’on a surnommée « la Belle Cordière », et nous apprend que Louise Labé est une poétesse originaire de Lyon avec cet encart sur lequel il est écrit « Loise Labbé, Lionnoise »

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Qui est vraiment Louise Labé ? Une prostituée bien connue dans les milieux de l’imprimerie Lyonnaise au milieu de XVI eme siècle ? Une bourgeoise ? Une pure invention d’un cercle de poètes ?

    Le mystère, quoique les recherches littéraires s’accordent à dire qu’elle a réellement existé, demeure encore aujourd’ hui.

    En 1555 paraissent les Euvres de Louïze Labé Lionnoize, qui regroupent un « Débat de Folie et d’Amour » en prose, trois élégies, des sonnets, et des écrits de divers poètes en hommage à celle que l’on suppose être l’auteur, Louise Labé, accompagnés de cet énigmatique portrait.

    La mystérieuse poétesse serait née aux alentours de 1524 à Lyon et décédée en 1566 à Parcieux-en-Dombes. Son père, Pierre Charly, qui se fera ensuite appeler Pierre Labé, est cordier, ainsi que son mari, ce qui lui vaudra le surnom de « Belle cordière ».

    Mais Louise Labé ne se contente pas d’une vie de « fille » ou « femme de ».

    Issue d’un milieu aisé, elle a pu bénéficier d’une éducation humaniste qui a nourri sa curiosité intellectuelle et favorisé son émancipation culturelle. Ainsi dans sa Dédicace à Clémence de Bourges, elle revendique le droit des femmes à la création littéraire.

     Est-ce la jalousie, l’incompréhension de son entourage et des milieux littéraires quant à son choix d’être indépendante qui ont donné naissance à ces rumeurs sur son compte ? Qui ont contribué à brouiller les pistes sur son identité ? Il est possible que Louise Labé ait été une courtisane ; cela n’aurait rien enlevé à son ouverture d’esprit, son intelligence et son talent littéraire, mais au XVI eme siècle, ce statut la discréditait socialement. Est-elle cette même prostituée impliquée dans une sombre affaire d’empoisonnement ?

     Nous restent aujourd’hui d’elle, entre autres, ces vingt-quatre sonnets. Au fond, peu importe quels étaient son nom, son statut, ses choix de vie ; nous reste ce  l'expression de l' amour, des souffrances, de la passion d'une femme, sublimés  par la poésie.

     

     II-Les Sonnets

     

    • La forme du sonnet

    Le mot « sonnet » est un mot issu de l’ancien Français provençal et de l’Italien qui signifie « petite  chanson ». C’est un poème de forme fixe, composé de quatorze vers, deux quatrains (strophes de quatre vers ), et deux tercets (strophes de trois vers). Le schéma de rimes a évolué au cours du temps. Le passage du dernier quatrain au premier tercet est appelé la volte, mot qui signifie « tournant » ; c’est le moment où le poète va introduire un deuxième thème, une opposition ; où il va peut-être brusquement changer de ton. Le dernier vers du sonnet est appelé la pointe ; il s’agit souvent d’une chute, d’une révélation pour le lecteur.

    • Observez ce schéma sur le sonnet de votre choix.

     

    • L’influence de la poésie antique...

      en particulier greco-latine, est très sensible dans les sonnets de Louise Labé. Ainsi, on trouve en premier lieu des références à Vénus, déesse de l’amour, Diane, déesse de la chasse, mais aussi aux Nymphes, créatures mythologiques, ou encore au « temple », lieu où l’on venait déposer des offrandes aux Dieux. Louise Labé a baigné dans la culture humaniste, qui, au XVI eme siècle, met les arts et la philosophie antiques à l’honneur. Elle connaissait très probablement le grec, le latin et avait des notions d’histoire et de mythologie antique. Mais ces références greco-latines permettent surtout à Louise Labé d’inscrire son œuvre dans la lignée des plus grands, des poètes Ovide, Virgile, Catulle, Properce, et de l’élégie latine, cette forme poétique chantée dans laquelle, souvent, le poète va exprimer son amour malheureux pour l’être aimé. Ces références confèrent également une dimension universelle à sa poésie ; Labé exprime des sentiments personnels, à travers le je, mais ne fait aucune mention de lieux, dates, personnes réelles ; elle préfère convoquer Vénus et Diane, montrant ainsi que la peine d’amour est, depuis toujours, l’une des plus personnelles mais aussi l’une des plus partagées du monde…

     

    • La poésie pétrarquisante

       

      Louise Labé a été très inspirée par Pétrarque, poète italien du Moyen-Age. Dans ses Chansons, Pétrarque célèbre son amour absolu pour Laure, dont la mort prématurée va le bouleverser. Le style de Pétrarque est caractérisé par les métaphores et les comparaisons précieuses, c’est-à-dire recherchées, ainsi que les antithèses. Le style de Pétrarque est également caractérisé par les personnifications : le « Soleil », « Ciel », « Amour »… et le champ lexical du feu, de la mer, de la nature et ses changements en général, pour évoquer le tumulte des sentiments.
    • La fin amor

    La fin amor, ou amour courtois, s’illustre dans la poésie ou les romans médiévaux comme Tristan et Yseult. Il s’agit d’une célébration de l’amour d’après des valeurs chevaleresques ; fidélité, respect, noblesse et pureté des sentiments. L’être aimé est idéalisé, la dame placée sur un piédestal ; l’amant lui voue une adoration quasi religieuse. Cette influence est perceptible dans la poésie de Louise Labé, dans l’ardeur des sentiments qu’elle exprime et son adoration pour l’être cher. Par ailleurs, certains poèmes comme « Luth, compagnon de ma calamité », rappellent cette poésie médiévale chantée, celle des ménestrels et des troubadours qui s’accompagnaient de leur instrument, (luth, harpe, lyre, guitare ), pour exprimer leurs vers.

     

    • Observer l’influence de la culture gréco-latine, de Pétrarque et/ou de la fin amor dans un poème de votre choix.

     

     Si l’histoire et la personnalité de Louise Labé nous demeurent mystérieuses aujourd’hui, ses Sonnets, dans lesquels elle met en lumière le lien universel et inextricable entre amour et douleur, sont la trace la plus précieuse de son existence.

     L’influence de la poésie antique, de Pétrarque et de la fin amor montrent la richesse de sa culture littéraire et humaniste, à laquelle s’ajoute son style unique, une certaine façon de dire l’amour, la peine, avec une sincérité qui sublime le vers.

      

     Propositions d’excercices :

     

     Oral :

     

    • Lecture à haute voix d’un sonnet ;

      - en classe ou enregistrée.

      - individuelle ou à plusieurs : lecture du poème par deux élèves en alternance, ensemble, en canon, en crescendo… Toutes ces modalités de lecture ont été testées en cours avec un certain succès.

     

    • Récitation d’un sonnet ;

      - en classe ou enregistrée.

      - individuelle ou à plusieurs : récitation du poème par deux élèves en alternance, ensemble, en canon, en crescendo… ( encore non testé pour ma part mais je l’envisage).

     

    • En lien avec le théâtre : travail de mise en scène autour d’un sonnet/ scénarisation, qui peut s’envisager en groupe (non testé également mais envisagé).

     

     Ecrit :

     

    • Entraînement à la dissertation sur œuvre :

      - sujet travaillé avec mes classes : en quoi Louise Labé est-elle la poétesse de la passion ?

      - autre sujet envisage : Les Sonnets de Louise Labé, je ou jeu ?

     

    • Ecrit d’appropriation

    - sujet donné à une classe : Imaginez une lettre de Louise Labé à Joachim Du Bellay, dans laquelle elle explique comment elle transforme une expérience personnelle en œuvre poétique (variante du sujet « Les Sonnets de Louise Labé, je ou jeu ? » en version sujet d’invention).

     

     Ouverture sur les autres arts :

     

    • Musique (en lien avec l’enseignant(e) concerné(e)-professeur(e) de musique) : possibilité de faire aux élèves un cours préalable sur les liens entre poésie et chanson, particulièrement pertinent quand il s’agit d’aborder l’oeuvre de Louise Labé, qui s’inspire des poètes greco-latins. On peut proposer aux élèves de mettre un sonnet en musique.

       

    • Arts plastiques (en lien avec l’enseignant(e) concerné(s) -professeur(e)s d’arts plastiques, d’histoire ) : possibilité de faire aux élèves un cours d’histoire des arts préalable, sur la peinture à la renaissance, le mouvement baroque. Composer un dessin, tableau, collage… à partir un sonnet de Louise Labé ; une attention particulière peut être portée sur les images du sonnet (comparaisons, métaphores, personnifications…)

     

    • Théâtre : travail de mise en scène en lien avec un(e) professeur(e) de théâtre, un(e) comédien(ne)...

     

     

     

     


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  • Emily Brontë, Les Hauts de HurleventQuatrième fille de la célèbre famille Brontë, sœur de Charlotte (auteure de Jane Eyre ), et Anne (auteure de La Recluse de Wildfell Hall), Emily Brontë ( 1818-1848) ne signera qu’un seul roman, Les Hauts de Hurlevent, achevé un an à peine avant son décès. Ses poèmes, qui ont été composés à différentes époques de sa vie, montrent son rapport singulier à la nature, en particulier les landes de Yorkshire où elle a vécu, rapport presque organique, qui fait d’elle l’une des écrivains les plus emblématiques du romantisme.

    Emily Brontë a été élevée par son père pasteur, passionné de littérature et sa gouvernante Tabby, qui éveillera son imagination grâce aux contes, après le décès de sa mère lorsqu’elle était enfant. Les landes désertes et sauvages du Yorkshire seront également le théâtre du mystérieux roman Les Hauts du Hurlevent.

    Très tôt, Emily et ses frères et sœur manifestent leur goût pour l’écriture en inventant les Chroniques de Gondal et d’Angria, des mondes imaginaires qui leur permettent d’échapper à l’austérité de leur quotidien. En 1842, avec sa sœur aînée Charlotte, elle fait un bref séjour à Bruxelles dans le but de perfectionner son Français. S’y trouvant malheureuse, elle rentre vite en Angleterre où elle s’occupe de son père, de la maison, et de son frère alcoolique Branwell, peintre.

    Les filles Brontë perfectionnent leur talent littéraire en se lançant dans des romans personnels : Jane Eyre pour Charlotte, Agnes Grey pour Anne, Les Hauts de Hurlevent pour Emily. Elles envoient leurs romans aux éditeurs sous des pseudonymes masculins. Les trois sœurs se soutiennent, se conseillent, mais entrent désormais en concurrence.

    Les romans trouveront rapidement un éditeur ; cependant, de graves problèmes de santé viennent freiner leur élan littéraire. La maladie qui avait emporté leurs sœurs aînées Mary et Elisabeth lorsqu’elles étaient enfants emporte d’abord Branwell, devenu toxicomane. Emily, tuberculeuse, le suivra rapidement, avant Anne. Seule Charlotte leur survivra. Elle poursuivra sa carrière littéraire et sera la seule à connaître la célébrité de son vivant.

    Dès sa parution en 1847, Les Hauts de Hurlevent a bouleversé les lecteurs. Certains violents détracteurs, d’autres émerveillés ; tous éblouis par la puissance du style de ce mystérieux auteur, qui n’a jamais de son vivant voulu révéler sa véritable identité. Provoquant toujours fascination, curiosité, passion, Les Hauts de Hurlevent, unique roman d’Emily Brontë, est aujourd’hui considéré comme un chef d’oeuvre de la littérature.

     

     Texte étudié : début du récit, dans lequel on sent fortement l’influence du roman gothique dont Emily Brontë était probablement lectrice. Elle en a repris les codes en apportant une certaine profondeur psychologique aux personnages, ainsi qu’une dimension lyrique et réaliste, ce qui fait des Hauts de Hurlevent un roman inclassable. Construit sur un système de récits enchâssés, le roman raconte l’histoire d’ Heathcliff, énigmatique propriétaire des Hauts de Hurlevent.

     Comment Emily Brontë, dans ce début de roman, reprend-elle les codes du roman gothique et du récit fantastique et les détourne-t-elle ?

     

     Contexte : M. Lockwood s’est perdu dans les landes du Yorkshire. Il arrive chez Heathcliff, propriétaire des Hauts de Hurlevent, qui lui accorde à contre-coeur l’hospitalité pour une nuit. La servante d’Heathcliff le loge dans une chambre dont le maître défend pourtant l’accès à quiconque. Dans la chambre se trouvent d’anciens journaux intimes, ayant appartenus à une certaine Catherine Linton. Lockwood s’endort et commence à faire des rêves étranges. Mais, alors qu’il veut écarter une branche qui, cognant contre la vitre, l’a réveillé, il est assailli par une terrible surprise.

     

     

    Cette fois, je me souvenais que j’étais couché dans le cabinet de chêne et j’entendais distinctement les rafales de vent et la neige qui fouettait. J’entendais aussi le bruit agaçant et persistant de la branche de sapin, et je l’attribuais à sa véritable cause. Mais ce bruit m’exaspérait tellement que je résolus de le faire cesser, s’il y avait moyen ; et je m’imaginai que je me levais et que j’essayais d’ouvrir la croisée. La poignée était soudée dans la gâche : particularité que j’avais observée étant éveillé, mais que j’avais oubliée. « Il faut pourtant que je l’arrête ! » murmurai-je. J’enfonçai le poing à travers la vitre et allongeai le bras en dehors pour saisir la branche importune ; mais, au lieu de la trouver, mes doigts se refermèrent sur les doigts d’une petite main froide comme la glace ! L’intense horreur du cauchemar m’envahit, j’essayai de retirer mon bras, mais la main s’y accrochait et une voix d’une mélancolie infinie sanglotait : « Laissez-moi entrer ! laissez-moi entrer ! – Qui êtes-vous ? » demandai-je tout en continuant de lutter pour me dégager. « Catherine Linton », répondit la voix en tremblant (pourquoi pensais-je à Linton ? J’avais lu Earnshaw vingt fois pour Linton une fois). « Me voilà revenue à la maison : je m’étais perdue dans la lande ! » La voix parlait encore, quand je distinguai vaguement une figure d’enfant qui regardait à travers la fenêtre. La terreur me rendit cruel. Voyant qu’il était inutile d’essayer de me dégager de son étreinte, j’attirai son poignet sur la vitre brisée et le frottai dessus jusqu’à ce que le sang coulât et inondât les draps du lit. La voix gémissait toujours : « Laissez-moi entrer ! » et l’étreinte obstinée ne se relâchait pas, me rendant presque fou de terreur. « Comment le puis-je ? » dis-je enfin ; « lâchez-moi, si vous voulez que je vous fasse entrer ! » Les doigts se desserrèrent, je retirai vivement les miens hors du trou, j’entassai en hâte les livres en pyramide pour me défendre, et je me bouchai les oreilles pour ne plus entendre la lamentable prière. Il me sembla que je restais ainsi pendant plus d’un quart d’heure. Mais, dès que je recommençai d’écouter, j’entendis le douloureux gémissement qui continuait ! « Allez-vous-en ! » criai-je, « je ne vous laisserai jamais entrer, dussiez-vous supplier pendant vingt ans. – Il y a vingt ans », gémit la voix, « vingt ans, il y a vingt ans que je suis errante. » Puis j’entendis un léger grattement au dehors et la pile de livres bougea comme si elle était poussée en avant. J’essayai de me lever, mais je ne pus remuer un seul membre, et je me mis à hurler tout haut, en proie à une terreur folle. À ma grande confusion, je me suis aperçu que mes hurlements étaient bien réels. Des pas rapides approchaient de la porte de la chambre ; quelqu’un l’a poussée d’une main énergique et une lumière a brillé à travers les ouvertures carrées en haut du lit. J’étais assis encore tout tremblant, essuyant la sueur qui coulait sur mon front ; l’intrus semblait hésiter et se parler à voix basse à soi-même. Enfin il a murmuré, évidemment sans attendre de réponse : « Y a-t-il quelqu’un ici ? » J’ai jugé qu’il valait mieux confesser ma présence, car j’avais reconnu la voix de Heathcliff et je craignais qu’il ne poussât sa recherche plus avant, si je demeurais coi. En conséquence, je me suis tourné et j’ai ouvert les panneaux. Je n’oublierai pas de sitôt l’effet que j’ai produit ainsi.

     

    Traduction : Frédéric Delebecque, 1925.

     

     I-Un récit gothique ?

     

     1) Le cadre spatio-temporel

    Le cadre dans lequel Emily Brontë situe le début de son roman est typique du roman gothique : elle installe un huis-clos oppressant ; le personnage est dans un « cabinet de chêne », lui-même situé dans une nature hostile et inquiétante : « rafales de neige, vent qui fouettait », « branche persistante de sapin ». C’est la nuit d’hiver caractéristique du roman noir telle qu’on peut la trouver dans les romans d’Horace Walpole ou d’ Ann Radcliffe qui ont sans doute en partie inspiré l’auteure.

     

     2) Une scène violente et terrifiante

     L’apparition du supposé fantôme constitue l’élément perturbateur de ce récit. L’effroi du narrateur, qui croit se saisir d’une branche cognant contre la fenêtre sous l’effet du vent, est introduit par la conjonction de coordination « mais » : « mais, au lieu de la trouver, mes doigts se refermèrent sur les doigts d’une petite main froide ». Si l’adjectif « petite » peut rassurer le lecteur sur l’aspect inoffensif de ce fantôme, le décor glaçant et la réaction du narrateur, le plongent dans la peur. Lockwood nous fait part de « l’intense horreur du cauchemar qui (l’) envahit ». A cette sémantique de la terreur s’ajoute le vocabulaire de la violence , lorsque celui-ci saisit le bras du spectre pour le blesser : « vitre brisée », « frottait », « sang », et de la douleur : « (la) voix gémissait », « douloureux gémissement », « voix d’une mélancolie infinie ». Emily Brontë reprend ici les codes du roman gothique en inversant les rôles habituels d’agresseur et de victime ; le fantôme, un être plaintif qui supplie le narrateur de le laisser entrer, au terme d’une errance de « vingt ans », et n’a pour arme que sa « voix », n’est en rien une menace, tandis que la violence du narrateur, rendu, de son propre aveu, « cruel » par la « terreur », (« la terreur me rendit cruel »), effraie le lecteur. Dans le roman gothique d’Emily Brontë, ce n’est pas des fantômes dont on nous invite à se méfier, mais des êtres humains.

     

     II-Un récit fantastique ?

     

     1) Le ressenti et la perception du narrateur.

     Partagé entre la cruauté et la terreur, Lockwood est, en cela, un personnage typique de la littérature fantastique. Il décrit les manifestations physiques de celles-ci : « tout tremblant », « essuyant la sueur qui coulait sur mon front ». Fatigué par son long voyage à travers la lande, la nuit, on peut douter de sa fiabilité et lui-même n’est plus sûr du déroulement des événements, comme le montrer le verbe modalisateur « sembler » : « il me sembla que je restais ainsi pendant plus d’un quart d’heure ». Une précision toutefois devrait nous interpeller : « à ma grande confusion, je me suis aperçu que mes hurlements étaient bien réels. » Veut-il nous signifier que le reste ne l’était pas ?

     

     

     2) L’hésitation du lecteur

     L’atmosphère oppressante instaurée par le huis-clos, la nuit, l’hiver, la nature agitée ; le « bruit agaçant et persistant » de la branche de sapin, les « rafales de vent », la « neige qui fouettait » sont autant d’éléments qui peuvent perturber la perception du narrateur et créaient pour nous-mêmes les conditions de l’attente d’un événement étrange. L’intervention du fantôme, se réduit à « une main », « une voix », et « une figure d’enfant » ; un être bien désincarné, presque ou peut-être une illusion, caractéristique de la littérature fantastique. Cependant, le « sang » qui tout à coup « coul(e) » et « inond(e)  les draps du lit », dont la couleur vive tranche avec le noir de la pièce et le blanc fantasmagorique de la neige, nous ramène à la réalité la plus crue. L’auteure joue avec les nerfs du lecteur et choisit de le faire tomber de cet équilibre ténu entre explication rationnelle et irréalité, ébranlant ses repères.

     

     Ce début de roman met en scène une confrontation entre un narrateur peu fiable et et une troublante apparition, dans un cadre spatio-temporel typiques du roman gothique et du récit fantastique. Cependant, Emily Brontë brouille les repères du lecteur, ajoute à son récit une dimension lyrique et poétique, et, si un spectre apparaît, c’est surtout pour montrer la violence de la nature humaine.

    Image : Emily Brontë par son frère Branwell, 1833.

     


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  • Le texte suivant a été étudié dans le cadre d’une séquence sur la fête en poésie.

     

    Marceline Desbordes-Valmore naît en 1786 dans une famille désargentée. Sa mère, Catherine Lucas, quitte le foyer durant son adolescence ; Marceline l’accompagne en Guadeloupe où Catherine, victime de la fièvre jaune, décède. La jeune Marceline devient actrice de théâtre à son retour en métropole. Elle a deux enfants d’une relation amoureuse passagère ; après celle de sa mère, elle sera bouleversée par la mort d’un de ses enfants à l’âge de cinq ans qu’elle évoquera souvent dans sa poésie. Elle fait paraître en 1819 son premier recueil, Elégies et romances, qui jouit d’un certain succès. En 1833 lui succèdent Les Pleurs puis Bouquets et prières en 1843. Elle décède d’un cancer en 1859.

    Si on la connaît principalement pour sa poésie, et notamment « Les Séparés », elle est aussi l’auteure de nouvelles, contes, romans. Marceline Desbordes-Valmore aura inspiré Lamartine, Hugo, Baudelaire et de nombreux chanteurs. Elle est considérée comme une écrivain emblématique du romantisme français.

    Le titre du recueil, Romances, paru en 1830, d’où est extrait le poème étudié signifie à la fois histoire sentimentale et poème d’amour. « Le Bal » est un poème composé de quatre quatrains en décasyllabes à l’exception du dernier vers de de chaque strophe, un quadrisyllabe qui reprend le premier vers de la strophe.

    Nous allons voir en quoi ce poème détourne le thème de la fête.

     

    Le texte étudié :

     

    L'heure du bal, enfin, se fait entendre, 
    Le plaisir sonne, et tu le fais attendre ! 
    Depuis huit jours, il a pris pour signal 
    L'heure du bal.

    Où sont les fleurs dont l'éclat étincelle ? 
    Elles mourront en te voyant si belle. 
    Mais, sous ta main, je vois rouler des pleurs... 
    Où sont les fleurs ?

    Il est absent ! l'espérance est voilée, 
    Ou, pour le suivre, elle s'est envolée. 
    Je le devine à ton plaintif accent : 
    Il est absent !

    Je n'irai pas ! la danse, mon amie, 
    Est, sans l'Amour, une Grâce endormie. 
    Loin de la fête il enchaîne tes pas : 
    Je n'irai pas ! 

     

    I-La description d’une triste attente festive

    1) Un titre déceptif

    Le titre induit le lecteur en erreur. Le thème du bal est typique de l’imaginaire romantique. C’est un lieu de rencontres, d’échanges, propice à l’éclosion des sentiments et à leur expression. Cependant, la suite du poème ne décrit pas comme on pourrait s’y attendre une scène de bal, mais une attente angoissée et solitaire.

    2)Un jeu de contrastes

    Le vocabulaire de la jouissance : « bal », « plaisir », « éclat », « étincelle », s’oppose à celui de la tristesse : « peur », « voilée », « plainte ». Ce tournant est introduit par la conjonction de coordination « mais » au milieu du deuxième quatrain : « mais sous ta main je vois rouler des pleurs (...) » Au coeur du poème, l’auteure fait référence aux fleurs, allégorie riche de sens en poésie. La fleur , symbole du carpe diem, évoque l’éclat de la jeunesse mais aussi le temps qui passe. La fleur est également un motif que l’on trouve souvent sur les vanités, ces tableaux qui rappellent à l’homme sa condition de mortel. Marceline Desbordes-Valmore donne à la fleur ces différentes significations symboliques dans le vers : « elles (les fleurs) meurent en te voyant si belle », où se croisent le thème de la jouissance et celui de la tristesse.

     

    II-Un poème en forme d’adresse

    1)Une adresse à la jeune fille

    Le poème est adressé à un « tu » dont on ne connaît pas le nom, une jeune fille délaissée par celui qu’elle aime vraisemblablement. La poétesse exprime sa compassion à l’égard de celle-ci, comme le montre l’apostrophe affective « mon amie ». Elle l’observe et semble sensible à sa tristesse : « je vois rouler des pleurs (...) » La marque de la première personne à la fin : « je n’irai pas (!) » laisse supposer que l’auteure s’identifie au personnage ou qu’elle rapporte ses paroles.

    2)Une adresse indirecte au lecteur

    Le poème peut être lu comme une fable dont la morale serait exprimée dans le dernier quatrain : « (…) la danse, mon amie,/ 
    Est, sans l'Amour, une Grâce endormie. » Le présent à valeur de vérité générale, les pronoms « il » et « elle » qui ne renvoient à aucun nom donnent une dimension universelle au texte.

     

     

    Marceline Desbordes-Valmore détourne le thème de la fête en utilisant volontairement un titre déceptif. Le champ lexical de la célébration contraste avec celui de la tristesse de la jeune fille à laquelle s’adresse ce poème, empreint de mélancolie romantique.

     

     

     

     


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     Lettres d’une Péruvienne, Mme de

     

    Graffigny

     

    Proposition de séquence complète sur l'oeuvre de Mme de Graffigny, abordée avec une classe de 2nde dans le cadre de l'objet d'étude "genres et formes de l'argumentation au XVII eme et au XVIII eme siècles." Le roman peut également être abordé en 1 ere dans le cadre de l'objet d'étude "la question de l'Homme dans les genres argumentatifs du Moyen-Age à nos jours" ou "Le personnage de roman du XVII eme siècle à nos jours".

     

     

    Plan de séquence

     

    Comment un(e) auteur(e) peut-il faire passer ses idées à travers la voix d’un personnage ?

    Le roman fait l'objet d'une lecture intégrale par les élèves. L'oeuvre de référence est Lettres d'une Péruvienne, Mme de Graffigny, éditions GF Flammarion collection étonnants classiques.

     

     

    Objectifs : -découvrir/approfondir l’argumentation indirecte

     

    - ressources argumentatives du genre épistolaire

     

    -ressources argumentatives du regard étranger

     

     

    Séance 1 : Histoire littéraire : formes et procédés du roman au XVIII eme siècle.

     

     Séance 2 : Histoire littéraire : Vie et oeuvre de Mme de Graffigny, présentation.

     

     

    Séance 3 : Lecture à voix haute : Méthode et exercice de lecture à voix haute sur la lettre I, trois premiers paragraphes. 

     

    Séance 4 : Lecture analytique/méthode : lettre XI (extrait) ; méthode du commentaire composé.

      

    Séance 5 : Grammaire : la situation d'énonciation ; l'énoncé ancré dans la situation d'énonciation, énoncé coupé de la situation d'énonciation.

     

     Séance 6 : Lecture d’image : document complémentaire : Deux Indiens en Pirogue, François-Auguste Biard. : l’orientalisme -regard sur l’étranger.

      

     Séance 7 : Lecture analytique : lettre XXXVIII.

     

     Séance 8: Devoir : rédiger une introduction, un plan de commentaire et une conclusion sur la lettre XVIII.

      

    Séance 9 : Analyses thématiques : Les Lettres d'une Péruvienne, roman d'aventure, roman d'amour, roman engagé ?

     

     

     

     

     Compte-rendu des séances

     

    Séance 1 : Histoire littéraire : formes et procédés du roman au XVIII eme siècle.

     

    Cette séance fait l’objet d’une recherche au CDI. Chaque intitulé est étudié par un groupe de quatre à six élèves. Les résultats des recherches sont ensuite échangés et corrigés si besoin.

     

    I-Les formes du roman au XVIII eme siècle.

     

    Donner une définition de chacune de ces formes romanesques, ainsi que des noms d’auteur(e)s qui se sont illustré(e)s dans la forme en question et au moins un titre d’oeuvre, accompagné d’un bref résumé et d’une explication sur la démarche de l’auteur(e).

     

    • Le roman épistolaire

    • Le conte/roman philosophique

    • Le roman-mémoire

    • Le roman noir

     

    II-Les procédés du roman au XVIII eme siècle.

     

    • Lisez la préface des Lettres d’une Péruvienne de Mme de Graffigny et des Liaisons Dangereuses de Laclos. Comment ces deux auteur(e)s donnent-ils l’impression que leurs romans sont constitués d’authentiques lettres ? Quel est l’intérêt de ce procédé ?

     

    • Qu’est-ce que le « regard étranger » ? Citez des noms d’auteur(e)s et des titres d’oeuvres. Quel est l’intérêt de ce procédé ?

     

     

     

    Séance 2 : Histoire littéraire : Mme de Graffigny, auteure des Lumières.

     

    I-Françoise de Graffigny : vie et œuvre.

     1) Biographie.

      Françoise d’Issembourg d’Happoncourt (1695-1758), est une figure incontournable des salons et de la littérature en son siècle. Elle grandit en Lorraine dans la haute société, puis se voit contrainte, comme le veut l’usage de son temps de se marier très jeune à M. de Graffigny. Le couple aura trois enfants. Victime de maltraitance conjugale, Mme de Graffigny demande la séparation, qui sera acceptée, avant de devenir veuve peu de temps après. Elle rencontre de nombreux-ses personnalités d’influence avec lesquels elle se lie d’amitié, notamment le poète François-Antoine Devaux, mais aussi les philosophes des Lumières Emilie du Châtelet, également mathématicienne, et Voltaire. A Paris, chez la duchesse de Richelieu dont elle a été dame de compagnie, elle fréquente aussi Rousseau, D’Alembert, Diderot, puis elle ouvre son salon, et commence à écrire, d’abord du théâtre et un dialogue philosophique. Son plus grand succès sera le roman Les Lettres d’une Péruvienne, paru en 1747. Elle est également l’auteure de journaux intimes et d’une abondante correspondance. Gravement malade, elle meurt en 1758.

      2) Oeuvre.

      Mme de Graffigny a produit une œuvre diverse et abondante : théâtre, correspondance, journaux intimes, romans… Elle livre des témoignages importants sur la société de son temps et s’engage, à travers son mode de vie et son œuvre, en faveur de l’émancipation des femmes.

     -L’une de ses œuvres principales reste sa correspondance : elle y raconte sa vie intime, notamment sa liaison avec l’officier Léopold Desmarest, au poète François-Antoine Devaux, et livre un témoignage important sur la vie culturelle et sociale de son temps, dans lequelle apparaissent fréquemment Voltaire et Emilie du Châtelet, dont elle dépeint longuement les personnalités.

     -Dans Cénie, pièce à succès, Mme de Graffigny analyse la situation sociale complexe de la de la gouvernante et ses rapports parfois difficiles avec les maîtres.

     -Lettres d’une Péruvienne reste le plus grand succès de Mme de Graffigny. Grâce au procédé du regard étranger, celui de la Péruvienne Zilia, elle aborde dans ce roman épistolaire des thématiques variées. Zilia offre au lecteur son point de vue parfois amusé, parfois consterné ou indigné, sur la religion, l’éducation, les relations humaines, la politesse, la situation des femmes et des hommes en France. Sa pratique de la correspondance a developpé son talent pour le roman épistolaire. Le succès du roman est retentissant.

     

     II-Mme de Graffigny et la pensée des Lumières. 

     La condition de la femme en France est un thème largement exploité par Mme de Graffigny dans Lettres d’une Péruvienne. Le combat pour l’égalité entre les sexes et pour que les femmes aient accès à une meilleure éducation sont centraux chez les Lumières. En voici une illustration chez son ami Voltaire, dans un pamphlet que Voltaire a intitulé « Femmes, soyez soumises à vos maris », et chez la philosophe anglaise Mary Wolstonecraft, qui publie Réclamation des Droits de la femme.

     

     Texte 1 :

     

     Voltaire imagine une discussion entre l’abbé de Châteauneuf et la Maréchal de Grancey à propos de cette phrase de Paul, dans la Bible : « Femmes, soyez soumises à vos maris. » Mme de Grancey exprime son indignation.

      Soyez soumises à vos maris ! Encore s’il s’était contenté de dire : Soyez douces, complaisantes, attentives, économes, je dirais : Voilà un homme qui sait vivre ; et pourquoi soumises, s’il vous plaît ? Quand j’épousai M. de Grancey, nous nous promîmes d’être fidèles : je n’ai pas trop gardé ma parole, ni lui la sienne ; mais ni lui ni moi ne promîmes d’obéir. Sommes-nous donc des esclaves ? N’est-ce pas assez qu’un homme, après m’avoir épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle ? N’est-ce pas assez que je mette au jour avec de très grandes douleurs un enfant qui pourra me plaider quand il sera majeur ? Ne suffit-il pas que je sois sujette tous les mois à des incommodités très désagréables pour une femme de qualité, et que, pour comble, la suppression d’une de ces douze maladies par an soit capable de me donner la mort sans qu’on vienne me dire encore : Obéissez ?

      « Certainement la nature ne l’a pas dit ; elle nous a fait des organes différents de ceux des hommes ; mais en nous rendant nécessaires les uns aux autres, elle n’a pas prétendu que l’union formât un esclavage. Je me souviens bien que Molière a dit:

     Du côté de la barbe est la toute-puissance.

     Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître ! Quoi ! Parce qu’un homme a le menton couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très humblement ? Je sais bien qu’en général les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres, et qu’ils peuvent donner un coup de poing mieux appliqué : j’ai peur que ce ne soit là l’origine de leur supériorité.

     « Ils prétendent avoir aussi la tête mieux organisée, et, en conséquence, ils se vantent d’être plus capables de gouverner ; mais je leur montrerai des reines qui valent bien des rois. On me parlait ces jours passés d’une princesse allemande qui se lève à cinq heures du matin pour travailler à rendre ses sujets heureux, qui dirige toutes les affaires, répond à toutes les lettres, encourage tous les arts, et qui répand autant de bienfaits qu’elle a de lumières. Son courage égale ses connaissances ; aussi n’a-t-elle pas été élevée dans un couvent par des imbéciles qui nous apprennent ce qu’il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu’il faut apprendre. Pour moi, si j’avais un État à gouverner, je me sens capable d’oser suivre ce modèle. »

     

    Femmes, soyez soumises à vos maris, Voltaire, 1759-1768.

     

     Texte 2 : 

     Après avoir interrogé l’Histoire et observé le monde vivant avec une sollicitude anxieuse, une très vive mélancolie et une indignation attristée se sont emparées de mon esprit, et c’est en soupirant que j’ai dû admettre de deux choses l’une : ou bien il existe des différences naturelles considérables entre les hommes, ou bien la civilisation qui s’est développée jusqu’ici dans le monde s’est montrée très partiale. J’ai consulté divers ouvrages traitant d’éducation ; j’ai observé patiemment le comportement des parents et le fonctionnement des écoles ; et j’ai acquis la conviction profonde que la détresse de mes compagnes – que je déplore vivement – vient de leur éducation négligée. Il s’avère en particulier qu’on rend les femmes faibles et malheureuses pour toutes sortes de raisons découlant toutes d’une même conclusion hâtive. En fait, le comportement et les mœurs des femmes prouvent, de façon évidente, que leur esprit n’est pas sain ; car, comme il en est des fleurs qui sont plantées dans un sol trop riche, on sacrifie la force et l’utilité à la beauté ; et les feuilles luxuriantes, après avoir enchanté un œil difficile, se fanent, dans l’oubli, sur la tige, bien avant d’arriver à maturité. J’attribue une des causes de cette floraison stérile à un mauvais système d’éducation. Je suis parvenue à cette conclusion en lisant ce que des hommes ont écrit à ce sujet ; ils considèrent les femmes comme des femelles plutôt que comme des êtres humains, et ils se sont préoccupés de faire d’elles des maîtresses séduisantes plutôt que des épouses affectueuses et des mères sensées. Aussi l’intelligence féminine s’est enorgueillie de cet hommage insidieux à tel point qu’à quelques exceptions près, les femmes civilisées de notre époque ne désirent qu’inspirer de l’amour quand elles devraient chérir de plus nobles ambitions et s’attirer le respect par leurs qualités de cœur et d’esprit.

     Réclamation des droits de la femme , Mary Wollstonecraft , 1792.

     

    • Comment ces deux auteur(e)s dénoncent-ils/elles la condition de la femme en France et en Angleterre ?

    • En quoi peut-on rapprocher ces deux textes des Lettres d’une Péruviennes ? Référez-vous à des passages précis du livre.  

     

     

    Séance 4 : lecture analytique, lettre XI, extrait.

     

    Lecture : de « quoique j'aie pris tous les soins qui sont en mon pouvoir » à « car en les prononçant leur visage est toujours riant ».

     

    Zilia, après avoir été enlevée par des Espagnols, vient d'être recueillie par Déterville, un commandant Français qui a intercepté leur bateau. Elle continue d'écrire à son fiancé Aza en espérant que celui-ci reçoive ses lettres et l'a informé de la situation.

     Dans cette lettre, elle rapporte la façon dont s'est déroulée la rencontre avec l'entourage de Déterville ; objet de moqueries, de curiosité, elle fait un portrait peu flatteur de ceux qui la « reçoivent ».

     A travers ce propos de Zilia, Mme de Graffigny tend un miroir aux Français sur leurs façons de vivre et leur société.

     Comment cette lettre met-elle en scène le regard étranger et quel(s) intérêt(s) argumentatif(s)s ce procédé présente-t-il ?

     

    I-La comparaison entre la France et le Pérou.

     1) Produire un effet de réel.

     -Mme de Graffigny a fait de nombreuses recherches sur le Pérou, ses coutumes, ses traditions, pour donner un aspect réaliste au propos de Zilia. Elle expose ceci dans son « Introduction historique » aux Lettres d'une Péruvienne qui permet au lecteur de mieux comprendre le roman.

     -La lettre de Zilia est ponctuée de noms propres qui se réfèrent à des catégories sociales Péruviennes, et qu'elle applique ici aux Français. Le Cacique : prince Inca, ici l'aristocrate qui la reçoit ; la China : servante au Pérou, femme de chambre en France ; le Curacas : petit souverain au Pérou, prêtre ici ; la Pallas : princesse au Pérou, l'aristocrate qui la reçoit ici.

     -Zilia observe les mœurs des Français à l'aune de celles qu'elle connaît : « ils chantent et dansent comme s'ils avaient tous les jours des terres à cultiver. »

     Mme de Graffigny montre ainsi le caractère universel des hiérarchies sociales.

     2) Donner aux Français un regard distancié sur leurs coutumes et leur prétendue supériorité.

     -De la même façon que les colons appellent les peuples colonisés « sauvages », Zilia appelle les Français « sauvages ». Ceux qui pensent ici être les seuls civilisés, les Européens, ne le sont pas aux yeux des Péruviens. Zilia les observe à partir de ses propres critères de civilité.

     - La France, pays des Lumières, n'est pas perçu comme tel aux yeux de Zilia qui écrit : « si je me rapportais à l'opposition de leurs usages à ceux de notre nation, je n'aurais plus d'espoir ; mais je me souviens que ton auguste Père a soumis à son obéissance des provinces forts éloignées (...) » Pour Zilia, les connaissances, les lumières, sont l'apanage de sa civilisation qui révère d'ailleurs le Soleil.

     -Cette lettre est ainsi une critique envers l'ethnocentrisme ; les Français qui raillent parfois Zilia ou la traitent comme un objet, comme on le voit parfois dans la lettre ( « Qu'elle est belle ! Les beaux yeux ! »), sont en fait pour elle des sujets de curiosité comme elle en est un pour eux.

     

     II-L'expérience personnelle de Zilia.

      1) L'expression des sentiments personnels.

     -La plupart des lettres de Zilia sont adressées à Aza (on trouve la formule d'adresse « mon cher Aza » à plusieurs reprises ), son fiancé dont elle a été séparée. Elle entretien avec lui une correspondance intime, ou du moins s'exprime intimement car elle n'est parfois pas en mesure d'obtenir une réponse de la part de celui-ci.

     -Zilia lui avoue donc sa vulnérabilité : « je n'en suis pas mieux instruite que je l'étais il y a trois jours », « le seul usage de la langue du pays pourra m'apprendre la vérité (…) » : le regard étranger est un regard neuf sur une civilisation.

     - Elle exprime ses sentiments sans détour : « mes inquiétudes », « l'étonnement général (…) me déplût », « grande répugnance à parler avec elle », « j'eus pitié de leur faiblesse » : la lettre permet au lecteur d'avoir connaissance des sentiments que Zilia doit cacher par souci de bienséance.

      2)Une découverte mutuelle

     -Les Français qui reçoivent Zilia se montrent curieux et manifestent leur intérêt pour elle d'une façon parfois grossière. Si celle que Zilia appelle sa China se montre bienveillante ( « je profite de tous les moments où Déterville me laisse en liberté pour prendre des leçons de ma China »), Zilia rapporte des anecdotes qui ne sont pas à l'honneur de ses « hôtes ». Le registre du spectacle caractérise l'attitude de ces personnages à son égard : « beaucoup de monde y était assemblé », « l'étonnement général que l'on témoigna à ma vue », « les ris excessifs ». Ils parlent de Zilia à la troisième personne, comme si elle était absente : « Qu'elle est belle ! Les beaux yeux !... », « Des grâces, une taille de nymphe !... », et la traitent comme un objet : « la singularité de mes habits causait seule la surprise des unes et les ris offensants des autres » .

     -Zilia, quant à elle, est partagée entre la crainte, la curiosité et l'indignation. Nous avons pu voir précédemment qu'il était question de son « inquiétude », sentiment propre au regard étranger ; l'appréhension de l'inconnu, surtout au regard de la situation dans laquelle se trouve Zilia, peut troubler. Cependant, elle témoigne également son intérêt pour cette civilisation si différente de la sienne, avec laquelle elle voit toutefois des points de comparaison : «Je ne laisse échapper aucune occasion de m'en instruire. » ; on comprend que cette curiosité est un prétexte à décrire les mœurs des Européens. Mais la grossièreté avec laquelle elle est traitée la heurte ; il était question de sa « répugnance », elle emploie le déictique péjoratif « ces » pour évoquer « ces femmes » qui la transforment en spectacle. Seuls les paysans qui ne la jugent pas comme une bête curieuse et l'homme qui la « reçoit » suscitent sa bienveillance : « (ils) paraissent aussi bons, aussi humains que le Cacique ». La morale de cette lettre tiendrait dans cette phrase : « je ne pensais plus qu'à les persuader par ma contenance que mon âme ne différait pas tant de la leur que mes habillements de leur parure. » Les Français se laissent abuser par des apparences ; différence de vêtement, de langue… Zilia a un esprit critique suffisamment aiguisé pour voir qu'au-delà ils sont semblables.

     Mme de Graffigny, pour donner du crédit au propos de son héroïne, est soucieuse de produire un effet de réel. Aussi, elle s'est informée sur les coutumes et la société Péruvienne qu'elle compare ici à la société Française à travers le regard neuf mais critique de Zilia. Ce procédé permet à l'auteur, à partir des anecdotes rapportées par Zilia, de critiquer le colonialisme.

     

     

    Séance 5 : Grammaire : la situation d'énonciation. 

     I-Observation : 

     1) Quoique j’aie pris tous les soins qui sont en mon pouvoir pour acquérir quelques lumières sur mon sort, mon cher Aza, je n’en suis pas mieux instruite que je l’étais il y a trois jours.  

      2) Quoiqu’elle eût  pris tous les soins qui étaient en son pouvoir pour acquérir quelques lumières sur son sort, elle informa Aza qu’elle n’en était pas mieux instruite que trois jours auparavant. 

     • Quelles(s) différences remarque-t-on entre les deux énoncés ?

    • Quelle est la situation de celui qui écrit dans chacun des énoncés ? 

     

     

    Enoncé ancré dans la situation d’énonciation

    Enoncé coupé de la situation d’énonciation

    Indicateurs de personne

     

     

    Indicateurs spatiaux

     

     

    Indicateurs temporels

     

     

     II-Notion

    La situation d’énonciation est la situation dans laquelle est produit un énoncé.

    Elle permet d’identifier qui parle, à qui, où, quand, pourquoi et comment. Un énoncé peut être ancré dans la situation d’énonciation : le narrateur prend pour référence sa propre situation. Ex : Mon cher Aza, je n'en suis pas mieux instruite que je l'étais il y a trois jours.

    Ou coupé de la situation d’énonciation : le narrateur raconte son histoire « de loin », il est distant vis-à-vis de celle-ci. Ex : Elle informa Aza qu'elle n'en était pas mieux instruite que trois jours auparavant.

     III-Exercice

    Travail d'écriture en binôme ; un des deux élèves imagine, en sept ou huit lignes, une réponse d' Aza à la lettre XI de Zilia étudiée en lecture analytique. L'autre reprend la lettre sous forme de récit coupé de la situation d'énonciation.

     

    Séance 6 : Lecture d'image : Deux Indiens en pirogue, François-Auguste Biard, 1860.

     

    Lettres d'une Péruvienne, Mme de Graffigny : séquence complète.

           

              Présentation du peintre

    François-Auguste Biard (1799-1882), artiste et explorateur français. Il .commence à peindre dans les années 1820 et trouve la majeure partie de ses inspirations dans ses expéditions, notamment en Norvège, en Laponie, autour du bassin Méditerranéen, au Brésil d’où il rapporte un récit de voyage, Le Pèlerin de l’enfer vert, et ce tableau. En France, ses tableaux étonnent connaissent une grande popularité ; il se rapproche du roi Louis-Philippe dont il est portraitiste officiel. Biard s’est également intéressé aux questions sociales de son temps, en particulier l’abolition de l’esclavage à laquelle il a consacré une toile.

    La mode orientaliste

    Au XVIII eme siècle, peintres et écrivains commencent à s’intéresser à l’Histoire, au mode de vie et à l’art des pays orientaux ; intérêt qui va croître avec, à l’aube du XIX eme siècle, la campagne napoléonienne, puis les expéditions scientifiques en Egypte, le travail de Champollion sur les hiéroglyphes ou encore l’expansion coloniale en Afrique du Nord et en Asie. Des œuvres très diverses sont nées de cette passion occidentale pour l’Orient. Elles sont tantôt inspirées la Bible, les mythes, ( Salomé dansant devant Hérode, Gustave Moreau ), représentent l’Histoire à travers de grands personnages de façon tout à fait libre et fantaisiste ( la figure de Cléopâtre est un sujet privilégié, on pense par exemple à Cléopâtre essayant des poisons sur des condamnés à mort d’ Alexandre Cabanel ou encore César et Cléopâtre, Jean-Léon Gérôme, ou encore la nouvelle Une nuit de Cléopâtre par Théophile Gautier ), ou veulent donner une vision la plus réaliste possible du monde contemporain, comme les paysages que Delacroix a rapportés de sa mission en Afrique du Nord, ou Ingres qui s’intéresse au monde Ottoman.

          François-Auguste Biard n’est pas un peintre orientaliste à proprement parler mais cette mode aura eu sur sa peinture et ses choix esthétiques une certaine influence.

     

    I-Observation

    Tableau représentant un paysage et deux personnages éponymes, les Deux Indiens en pirogue.

    Au premier plan, un homme et une femme voguent paisiblement à bord d’une pirogue sur une rivière ou un fleuve (l’Amazone ?); l’homme, allongé, se repose. La femme porte une gerbe de branches coupées qui sert de voile. Un oiseau passe dans l’angle inférieur droit du tableau. Au second plan, on distingue des rivages verdoyants, un ciel bleu dégagé ; plus loin, au troisième plan, la forêt ( l’Amazonie ?) s’étend.

    Les couleurs dominantes sont le vert, (l’eau, la forêt), le bleu (ciel), et l’ocre (les deux personnages, la barque). Une lumière douce, venu du fond, imprègne l’atmosphère. 

    Le regard du spectateur est particulièrement attiré par la femme, située entre les deux rivages et mise en valeur par la gerbe de branches au centre du tableau.

        II-Analyse

    Le peintre a voulu mettre en valeur la sérénité des personnages, en harmonie avec la nature calme et verdoyante, et ainsi louer le mode de vie des Indiens du Brésil aux spectateurs occidentaux. Il s’agit d’une vision idéalisée et romantique des Indiens d’Amérique.

    Cependant, ce tableau qui accompagne un récit de voyage et représente une scène réellement vue par le peintre est également empreinte d’un certain réalisme. Les possibilités de voyager étant beaucoup plus restreintes qu’aujourd’hui au XIX eme siècle, ces peintres explorateurs étaient également investis d’une mission de documentation que François-Auguste Biard remplit ici.

    III-Comparaison entre le tableau de Biard et Les Lettres d’une Péruvienne.

    Le roman de Mme de Graffigny a été écrit au XVIII eme siècle tandis que Biard a peint son tableau plus d’un siècle plus tard. Les expéditions Napoléoniennes qui ont développé la mode orientaliste n’avaient pas encore eu lieu et l’expansion coloniale a commencé au XIX eme siècle.

    Le roman de Graffigny, au point de vue interne, est centré sur les émotions et les considérations de Zilia ; ici, le peintre offre au spectateur un regard détaché des personnages.

    Graffigny et Biard se sont tous deux intéressés aux civilisations des Indiens Sud-américains. Quoique Mme de Graffigny n’ait pas voyagé au Pérou comme Biard au Brésil, elle a fait un travail de recherche important avant d’écrire Les Lettres d’une Péruvienne.

    Le propos de Mme de Graffigny est clairement engagé contre l’ethnocentrisme.

            Le message de Biard n’est pas aussi clair mais il nous invite à travers ce tableau à considérer d’autres façons de vivre, à la découverte.

                 Graffigny et Biard ne sont pas des auteurs et peintres que l’on peut vraiment qualifier d’orientalistes mais cette mode a eu une influence indéniable sur leur œuvre.

              Au XVIII eme siècle la mode du roman épistolaire se conjugue à celle de l’orientalisme qui naît ; Montesquieu, avec Les Lettres Persanes, l’illustre parfaitement. Mme de Graffigny reprend le thème du regard étranger pour défendre son propos contre l’enthnocentrisme. Au XIX eme, la mode orientaliste, à l’inverse, sert davantage un discours colonial bien que des positions comme celle de François-Auguste Biard soient plus ambigües. 

     

    Séance 9 : Analyses thématiques ; Les Lettres d'une Péruvienne, roman d'aventure, roman d'amour, roman engagé ?

    Travail de recherche en groupe ; chaque groupe traite l'un de ces trois points.

     I- Les Lettres d’une Péruvienne, un roman d’aventure ?

    1) Qu’est-ce que le roman d’aventure ?

    Le mot « aventure » vient du latin « adventura », qui signifie « ce qui doit arriver » ; par extension, on emploie le mot « aventure » pour désigner ce qui arrive d'extraordinaire à une personne. Le héros de roman d'aventure, qui traverse souvent des contrées étrangères, dans des conditions périlleuses, est caractérisé par son intrépidité et sa ruse ; le récit est rythmé par ses découvertes ou les épreuves qu'il rencontre au cours de son voyage, et dont il sortira vainqueur. Il est souvent escorté par un acolyte au adjuvant, qui joue le rôle de faire-valoir du héros, et se confronte à des opposants qui sont des antithèses du héros : fourbes, lâches, de sinistre apparence… le roman d'aventure met en scène des personnages et des situations qui correspondent à certains stéréotypes.

    2) Donner un titre de roman d’aventure et le nom de son auteur ; présentez-le en quelques lignes.

    L'écrivain écossais Robert Louis Stevenson (XIX eme siècle) est un des plus grands représentants du genre ; dans L'île au trésor (1883), roman inspiré de ses propres aventures, un jeune anglais, Jim Hawkins, se lance dans une chasse au trésor après avoir découvert une carte dans la malle d'un de ses amis, assassiné par un pirate. Il se lance dans un dangereux équipage au cours duquel il devra se confronter à plusieurs reprises aux pirates.

    3) Les Lettres d’une Péruvienne correspond-il aux caractéristiques de ce genre ? Expliquez.

    On peut trouver dans Les lettres d'une Péruvienne certaines caractéristiques du récit d'aventure ; notamment dans l 'antagonisme entre Zilia ( l'héroïne ), et les Espagnols qui ont ravagé le temple et l'ont enlevée (les opposants). De plus, le périple de Zilia, partie du Pérou , qui traverse les mers pour arriver en France n'est pas sans rappeler le voyage du roman d'aventure. Cependant, contrairement au héros du genre qui se lance de son propre chef dans les péripéties, Zilia les subies et la plupart des personnages ne correspondent pas aux schémas parfois manichéens du roman d'aventure ; Aza peut-il être considéré comme un allié ? Quel rôle joue Déterville ? Zilia elle-même se comporte-t-elle toujours de façon héroïque ?

    4) Citez une lettre qui pourrait correspondre aux critères du roman d’aventure et/ou une lettre qui pourrait au contraire s’en écarter. Expliquez.

    Dans la lettre III, Zilia relate à Aza la façon don le bateau à bord duquel les Espagnols la tiennent prisonnière a été intercepté par les Français ; mais, contrairement au héros d'aventure, elle n'est pas l'instigatrice des faits et insiste sur le fait qu'elle est victime dans cette histoire.

    II- Les Lettres d’une Péruvienne, un roman psychologique ?

    1) Qu’est-ce que le roman psychologique ?

    Le roman psychologique s'intéresse aux pensées des personnages, leur contradictions et à la violence de leurs sentiments qui constitue souvent la trame du récit. Le héros de roman psychologique est un être complexe, difficile à saisir ou en proie à de profonds tourments, qui évolueront au fil de l'histoire, et que le romancier analyse. Nous avons souvent accès à son intériorité par le procédé du psychorécit ou le genre épistolaire, très à la mode au XVIII eme siècle.

    2) Donner un titre de roman psychologique et le nom de son auteur ; présentez-le en quelques lignes.

    Avec La Princesse de Clèves (1678), Mme de La Fayette signe l'un des tous premiers romans psychologiques. A la Cour d' Henri II, au XVI eme siècle, l'épouse vertueuse et fidèle du prince de Clèves, la princesse est cependant consumée par son amour violent pour le duc de Nemours, séducteur notoire, qu'elle combat de toutes ses forces. Les intrigues de cour dans lesquelles se révèlent les personnalités ambiguës d'une foule de personnages secondaires tiennent également une place importante dans le roman.

    3) Les Lettres d’une Péruvienne correspond-il aux caractéristiques de ce genre ? Expliquez.

    Dans Les Lettres d'une Péruvienne, Mme de Graffigny met en scène une intrigue sentimenale complexe, sous la forme du triangle amoureux. Le genre épistolaire favorise également l'expression des sentiments du personnage principal, auxquels le lecteur a totalement accès.

    4) Citez une lettre qui pourrait correspondre aux critères du roman psychologique et/ou une lettre qui pourrait au contraire s’en écarter. Expliquez.

    La lettre XVIII peut être considérée comme un modèle du genre ; Zilia exprime son amour à Aza en des termes ardents, et manifeste en même temps son trouble et sa vive inquiétude.

    III- Les Lettres d’une Péruvienne, un roman engagé ?

    1) Qu’est-ce que le roman engagé ?

    La notion de littérature engagée apparaît vraiment au XX eme siècle ; cependant, nombre d'auteurs tels que Zola, Hugo au XIX eme siècle, et de philosophes des Lumières au XVIII eme siècle sont, dans les faits, des auteurs engagés. Le roman engagé consiste à transmettre des idées politiques, philosophies, sociales, ou à défendre une cause dont un personnage serait le porteparole, ou l’illustration d’un fait politique ou de société.

    2) Donner un titre de roman engagé et le nom de son auteur ; présentez-le en quelques lignes.

    Dans La Religieuse (1780), Diderot prête sa voix à une jeune fille cloîtrée de force dans un couvent par ses parents. Elle y subit des sévices physiques et psychologiques, des pressions, et adresse des lettres au Marquis de Croismare en priant pour qu’il lui vienne en aide. Il s’agit d’un roman engagé contre les « vocations forcées » de nombres de jeunes filles au XVIII eme siècle.

    3) Les Lettres d’une Péruvienne correspond-il aux caractéristiques de ce genre ? Expliquez.

    Mme de Graffigny, écrivain des Lumières, dans sa préface et dans son introduction historique, prend clairement position contre l’ethnocentrisme et fait de Zilia un porte-parole des valeurs universalistes et de l’émancipation féminine.

    4) Citez une lettre qui pourrait correspondre aux critères du roman engagé et/ou une lettre qui pourrait au contraire s’en écarter. Expliquez.

    Dans la lettre XXIV, Zilia s’indigne de la façon dont sont traitées les Françaises dans le mariage et du formatage psychologique qui tient lieu d’éducation pour celles-ci.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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