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     Lettres d’une Péruvienne, Mme de

     

    Graffigny

     

    Proposition de séquence complète sur l'oeuvre de Mme de Graffigny, abordée avec une classe de 2nde dans le cadre de l'objet d'étude "genres et formes de l'argumentation au XVII eme et au XVIII eme siècles." Le roman peut également être abordé en 1 ere dans le cadre de l'objet d'étude "la question de l'Homme dans les genres argumentatifs du Moyen-Age à nos jours" ou "Le personnage de roman du XVII eme siècle à nos jours".

     

     

    Plan de séquence

     

    Comment un(e) auteur(e) peut-il faire passer ses idées à travers la voix d’un personnage ?

    Le roman fait l'objet d'une lecture intégrale par les élèves. L'oeuvre de référence est Lettres d'une Péruvienne, Mme de Graffigny, éditions GF Flammarion collection étonnants classiques.

     

     

    Objectifs : -découvrir/approfondir l’argumentation indirecte

     

    - ressources argumentatives du genre épistolaire

     

    -ressources argumentatives du regard étranger

     

     

    Séance 1 : Histoire littéraire : formes et procédés du roman au XVIII eme siècle.

     

     Séance 2 : Histoire littéraire : Vie et oeuvre de Mme de Graffigny, présentation.

     

     

    Séance 3 : Lecture à voix haute : Méthode et exercice de lecture à voix haute sur la lettre I, trois premiers paragraphes. 

     

    Séance 4 : Lecture analytique/méthode : lettre XI (extrait) ; méthode du commentaire composé.

      

    Séance 5 : Grammaire : la situation d'énonciation ; l'énoncé ancré dans la situation d'énonciation, énoncé coupé de la situation d'énonciation.

     

     Séance 6 : Lecture d’image : document complémentaire : Deux Indiens en Pirogue, François-Auguste Biard. : l’orientalisme -regard sur l’étranger.

      

     Séance 7 : Lecture analytique : lettre XXXVIII.

     

     Séance 8: Devoir : rédiger une introduction, un plan de commentaire et une conclusion sur la lettre XVIII.

      

    Séance 9 : Analyses thématiques : Les Lettres d'une Péruvienne, roman d'aventure, roman d'amour, roman engagé ?

     

     

     

     

     Compte-rendu des séances

     

    Séance 1 : Histoire littéraire : formes et procédés du roman au XVIII eme siècle.

     

    Cette séance fait l’objet d’une recherche au CDI. Chaque intitulé est étudié par un groupe de quatre à six élèves. Les résultats des recherches sont ensuite échangés et corrigés si besoin.

     

    I-Les formes du roman au XVIII eme siècle.

     

    Donner une définition de chacune de ces formes romanesques, ainsi que des noms d’auteur(e)s qui se sont illustré(e)s dans la forme en question et au moins un titre d’oeuvre, accompagné d’un bref résumé et d’une explication sur la démarche de l’auteur(e).

     

    • Le roman épistolaire

    • Le conte/roman philosophique

    • Le roman-mémoire

    • Le roman noir

     

    II-Les procédés du roman au XVIII eme siècle.

     

    • Lisez la préface des Lettres d’une Péruvienne de Mme de Graffigny et des Liaisons Dangereuses de Laclos. Comment ces deux auteur(e)s donnent-ils l’impression que leurs romans sont constitués d’authentiques lettres ? Quel est l’intérêt de ce procédé ?

     

    • Qu’est-ce que le « regard étranger » ? Citez des noms d’auteur(e)s et des titres d’oeuvres. Quel est l’intérêt de ce procédé ?

     

     

     

    Séance 2 : Histoire littéraire : Mme de Graffigny, auteure des Lumières.

     

    I-Françoise de Graffigny : vie et œuvre.

     1) Biographie.

      Françoise d’Issembourg d’Happoncourt (1695-1758), est une figure incontournable des salons et de la littérature en son siècle. Elle grandit en Lorraine dans la haute société, puis se voit contrainte, comme le veut l’usage de son temps de se marier très jeune à M. de Graffigny. Le couple aura trois enfants. Victime de maltraitance conjugale, Mme de Graffigny demande la séparation, qui sera acceptée, avant de devenir veuve peu de temps après. Elle rencontre de nombreux-ses personnalités d’influence avec lesquels elle se lie d’amitié, notamment le poète François-Antoine Devaux, mais aussi les philosophes des Lumières Emilie du Châtelet, également mathématicienne, et Voltaire. A Paris, chez la duchesse de Richelieu dont elle a été dame de compagnie, elle fréquente aussi Rousseau, D’Alembert, Diderot, puis elle ouvre son salon, et commence à écrire, d’abord du théâtre et un dialogue philosophique. Son plus grand succès sera le roman Les Lettres d’une Péruvienne, paru en 1747. Elle est également l’auteure de journaux intimes et d’une abondante correspondance. Gravement malade, elle meurt en 1758.

      2) Oeuvre.

      Mme de Graffigny a produit une œuvre diverse et abondante : théâtre, correspondance, journaux intimes, romans… Elle livre des témoignages importants sur la société de son temps et s’engage, à travers son mode de vie et son œuvre, en faveur de l’émancipation des femmes.

     -L’une de ses œuvres principales reste sa correspondance : elle y raconte sa vie intime, notamment sa liaison avec l’officier Léopold Desmarest, au poète François-Antoine Devaux, et livre un témoignage important sur la vie culturelle et sociale de son temps, dans lequelle apparaissent fréquemment Voltaire et Emilie du Châtelet, dont elle dépeint longuement les personnalités.

     -Dans Cénie, pièce à succès, Mme de Graffigny analyse la situation sociale complexe de la de la gouvernante et ses rapports parfois difficiles avec les maîtres.

     -Lettres d’une Péruvienne reste le plus grand succès de Mme de Graffigny. Grâce au procédé du regard étranger, celui de la Péruvienne Zilia, elle aborde dans ce roman épistolaire des thématiques variées. Zilia offre au lecteur son point de vue parfois amusé, parfois consterné ou indigné, sur la religion, l’éducation, les relations humaines, la politesse, la situation des femmes et des hommes en France. Sa pratique de la correspondance a developpé son talent pour le roman épistolaire. Le succès du roman est retentissant.

     

     II-Mme de Graffigny et la pensée des Lumières. 

     La condition de la femme en France est un thème largement exploité par Mme de Graffigny dans Lettres d’une Péruvienne. Le combat pour l’égalité entre les sexes et pour que les femmes aient accès à une meilleure éducation sont centraux chez les Lumières. En voici une illustration chez son ami Voltaire, dans un pamphlet que Voltaire a intitulé « Femmes, soyez soumises à vos maris », et chez la philosophe anglaise Mary Wolstonecraft, qui publie Réclamation des Droits de la femme.

     

     Texte 1 :

     

     Voltaire imagine une discussion entre l’abbé de Châteauneuf et la Maréchal de Grancey à propos de cette phrase de Paul, dans la Bible : « Femmes, soyez soumises à vos maris. » Mme de Grancey exprime son indignation.

      Soyez soumises à vos maris ! Encore s’il s’était contenté de dire : Soyez douces, complaisantes, attentives, économes, je dirais : Voilà un homme qui sait vivre ; et pourquoi soumises, s’il vous plaît ? Quand j’épousai M. de Grancey, nous nous promîmes d’être fidèles : je n’ai pas trop gardé ma parole, ni lui la sienne ; mais ni lui ni moi ne promîmes d’obéir. Sommes-nous donc des esclaves ? N’est-ce pas assez qu’un homme, après m’avoir épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle ? N’est-ce pas assez que je mette au jour avec de très grandes douleurs un enfant qui pourra me plaider quand il sera majeur ? Ne suffit-il pas que je sois sujette tous les mois à des incommodités très désagréables pour une femme de qualité, et que, pour comble, la suppression d’une de ces douze maladies par an soit capable de me donner la mort sans qu’on vienne me dire encore : Obéissez ?

      « Certainement la nature ne l’a pas dit ; elle nous a fait des organes différents de ceux des hommes ; mais en nous rendant nécessaires les uns aux autres, elle n’a pas prétendu que l’union formât un esclavage. Je me souviens bien que Molière a dit:

     Du côté de la barbe est la toute-puissance.

     Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître ! Quoi ! Parce qu’un homme a le menton couvert d’un vilain poil rude, qu’il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très humblement ? Je sais bien qu’en général les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres, et qu’ils peuvent donner un coup de poing mieux appliqué : j’ai peur que ce ne soit là l’origine de leur supériorité.

     « Ils prétendent avoir aussi la tête mieux organisée, et, en conséquence, ils se vantent d’être plus capables de gouverner ; mais je leur montrerai des reines qui valent bien des rois. On me parlait ces jours passés d’une princesse allemande qui se lève à cinq heures du matin pour travailler à rendre ses sujets heureux, qui dirige toutes les affaires, répond à toutes les lettres, encourage tous les arts, et qui répand autant de bienfaits qu’elle a de lumières. Son courage égale ses connaissances ; aussi n’a-t-elle pas été élevée dans un couvent par des imbéciles qui nous apprennent ce qu’il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu’il faut apprendre. Pour moi, si j’avais un État à gouverner, je me sens capable d’oser suivre ce modèle. »

     

    Femmes, soyez soumises à vos maris, Voltaire, 1759-1768.

     

     Texte 2 : 

     Après avoir interrogé l’Histoire et observé le monde vivant avec une sollicitude anxieuse, une très vive mélancolie et une indignation attristée se sont emparées de mon esprit, et c’est en soupirant que j’ai dû admettre de deux choses l’une : ou bien il existe des différences naturelles considérables entre les hommes, ou bien la civilisation qui s’est développée jusqu’ici dans le monde s’est montrée très partiale. J’ai consulté divers ouvrages traitant d’éducation ; j’ai observé patiemment le comportement des parents et le fonctionnement des écoles ; et j’ai acquis la conviction profonde que la détresse de mes compagnes – que je déplore vivement – vient de leur éducation négligée. Il s’avère en particulier qu’on rend les femmes faibles et malheureuses pour toutes sortes de raisons découlant toutes d’une même conclusion hâtive. En fait, le comportement et les mœurs des femmes prouvent, de façon évidente, que leur esprit n’est pas sain ; car, comme il en est des fleurs qui sont plantées dans un sol trop riche, on sacrifie la force et l’utilité à la beauté ; et les feuilles luxuriantes, après avoir enchanté un œil difficile, se fanent, dans l’oubli, sur la tige, bien avant d’arriver à maturité. J’attribue une des causes de cette floraison stérile à un mauvais système d’éducation. Je suis parvenue à cette conclusion en lisant ce que des hommes ont écrit à ce sujet ; ils considèrent les femmes comme des femelles plutôt que comme des êtres humains, et ils se sont préoccupés de faire d’elles des maîtresses séduisantes plutôt que des épouses affectueuses et des mères sensées. Aussi l’intelligence féminine s’est enorgueillie de cet hommage insidieux à tel point qu’à quelques exceptions près, les femmes civilisées de notre époque ne désirent qu’inspirer de l’amour quand elles devraient chérir de plus nobles ambitions et s’attirer le respect par leurs qualités de cœur et d’esprit.

     Réclamation des droits de la femme , Mary Wollstonecraft , 1792.

     

    • Comment ces deux auteur(e)s dénoncent-ils/elles la condition de la femme en France et en Angleterre ?

    • En quoi peut-on rapprocher ces deux textes des Lettres d’une Péruviennes ? Référez-vous à des passages précis du livre.  

     

     

    Séance 4 : lecture analytique, lettre XI, extrait.

     

    Lecture : de « quoique j'aie pris tous les soins qui sont en mon pouvoir » à « car en les prononçant leur visage est toujours riant ».

     

    Zilia, après avoir été enlevée par des Espagnols, vient d'être recueillie par Déterville, un commandant Français qui a intercepté leur bateau. Elle continue d'écrire à son fiancé Aza en espérant que celui-ci reçoive ses lettres et l'a informé de la situation.

     Dans cette lettre, elle rapporte la façon dont s'est déroulée la rencontre avec l'entourage de Déterville ; objet de moqueries, de curiosité, elle fait un portrait peu flatteur de ceux qui la « reçoivent ».

     A travers ce propos de Zilia, Mme de Graffigny tend un miroir aux Français sur leurs façons de vivre et leur société.

     Comment cette lettre met-elle en scène le regard étranger et quel(s) intérêt(s) argumentatif(s)s ce procédé présente-t-il ?

     

    I-La comparaison entre la France et le Pérou.

     1) Produire un effet de réel.

     -Mme de Graffigny a fait de nombreuses recherches sur le Pérou, ses coutumes, ses traditions, pour donner un aspect réaliste au propos de Zilia. Elle expose ceci dans son « Introduction historique » aux Lettres d'une Péruvienne qui permet au lecteur de mieux comprendre le roman.

     -La lettre de Zilia est ponctuée de noms propres qui se réfèrent à des catégories sociales Péruviennes, et qu'elle applique ici aux Français. Le Cacique : prince Inca, ici l'aristocrate qui la reçoit ; la China : servante au Pérou, femme de chambre en France ; le Curacas : petit souverain au Pérou, prêtre ici ; la Pallas : princesse au Pérou, l'aristocrate qui la reçoit ici.

     -Zilia observe les mœurs des Français à l'aune de celles qu'elle connaît : « ils chantent et dansent comme s'ils avaient tous les jours des terres à cultiver. »

     Mme de Graffigny montre ainsi le caractère universel des hiérarchies sociales.

     2) Donner aux Français un regard distancié sur leurs coutumes et leur prétendue supériorité.

     -De la même façon que les colons appellent les peuples colonisés « sauvages », Zilia appelle les Français « sauvages ». Ceux qui pensent ici être les seuls civilisés, les Européens, ne le sont pas aux yeux des Péruviens. Zilia les observe à partir de ses propres critères de civilité.

     - La France, pays des Lumières, n'est pas perçu comme tel aux yeux de Zilia qui écrit : « si je me rapportais à l'opposition de leurs usages à ceux de notre nation, je n'aurais plus d'espoir ; mais je me souviens que ton auguste Père a soumis à son obéissance des provinces forts éloignées (...) » Pour Zilia, les connaissances, les lumières, sont l'apanage de sa civilisation qui révère d'ailleurs le Soleil.

     -Cette lettre est ainsi une critique envers l'ethnocentrisme ; les Français qui raillent parfois Zilia ou la traitent comme un objet, comme on le voit parfois dans la lettre ( « Qu'elle est belle ! Les beaux yeux ! »), sont en fait pour elle des sujets de curiosité comme elle en est un pour eux.

     

     II-L'expérience personnelle de Zilia.

      1) L'expression des sentiments personnels.

     -La plupart des lettres de Zilia sont adressées à Aza (on trouve la formule d'adresse « mon cher Aza » à plusieurs reprises ), son fiancé dont elle a été séparée. Elle entretien avec lui une correspondance intime, ou du moins s'exprime intimement car elle n'est parfois pas en mesure d'obtenir une réponse de la part de celui-ci.

     -Zilia lui avoue donc sa vulnérabilité : « je n'en suis pas mieux instruite que je l'étais il y a trois jours », « le seul usage de la langue du pays pourra m'apprendre la vérité (…) » : le regard étranger est un regard neuf sur une civilisation.

     - Elle exprime ses sentiments sans détour : « mes inquiétudes », « l'étonnement général (…) me déplût », « grande répugnance à parler avec elle », « j'eus pitié de leur faiblesse » : la lettre permet au lecteur d'avoir connaissance des sentiments que Zilia doit cacher par souci de bienséance.

      2)Une découverte mutuelle

     -Les Français qui reçoivent Zilia se montrent curieux et manifestent leur intérêt pour elle d'une façon parfois grossière. Si celle que Zilia appelle sa China se montre bienveillante ( « je profite de tous les moments où Déterville me laisse en liberté pour prendre des leçons de ma China »), Zilia rapporte des anecdotes qui ne sont pas à l'honneur de ses « hôtes ». Le registre du spectacle caractérise l'attitude de ces personnages à son égard : « beaucoup de monde y était assemblé », « l'étonnement général que l'on témoigna à ma vue », « les ris excessifs ». Ils parlent de Zilia à la troisième personne, comme si elle était absente : « Qu'elle est belle ! Les beaux yeux !... », « Des grâces, une taille de nymphe !... », et la traitent comme un objet : « la singularité de mes habits causait seule la surprise des unes et les ris offensants des autres » .

     -Zilia, quant à elle, est partagée entre la crainte, la curiosité et l'indignation. Nous avons pu voir précédemment qu'il était question de son « inquiétude », sentiment propre au regard étranger ; l'appréhension de l'inconnu, surtout au regard de la situation dans laquelle se trouve Zilia, peut troubler. Cependant, elle témoigne également son intérêt pour cette civilisation si différente de la sienne, avec laquelle elle voit toutefois des points de comparaison : «Je ne laisse échapper aucune occasion de m'en instruire. » ; on comprend que cette curiosité est un prétexte à décrire les mœurs des Européens. Mais la grossièreté avec laquelle elle est traitée la heurte ; il était question de sa « répugnance », elle emploie le déictique péjoratif « ces » pour évoquer « ces femmes » qui la transforment en spectacle. Seuls les paysans qui ne la jugent pas comme une bête curieuse et l'homme qui la « reçoit » suscitent sa bienveillance : « (ils) paraissent aussi bons, aussi humains que le Cacique ». La morale de cette lettre tiendrait dans cette phrase : « je ne pensais plus qu'à les persuader par ma contenance que mon âme ne différait pas tant de la leur que mes habillements de leur parure. » Les Français se laissent abuser par des apparences ; différence de vêtement, de langue… Zilia a un esprit critique suffisamment aiguisé pour voir qu'au-delà ils sont semblables.

     Mme de Graffigny, pour donner du crédit au propos de son héroïne, est soucieuse de produire un effet de réel. Aussi, elle s'est informée sur les coutumes et la société Péruvienne qu'elle compare ici à la société Française à travers le regard neuf mais critique de Zilia. Ce procédé permet à l'auteur, à partir des anecdotes rapportées par Zilia, de critiquer le colonialisme.

     

     

    Séance 5 : Grammaire : la situation d'énonciation. 

     I-Observation : 

     1) Quoique j’aie pris tous les soins qui sont en mon pouvoir pour acquérir quelques lumières sur mon sort, mon cher Aza, je n’en suis pas mieux instruite que je l’étais il y a trois jours.  

      2) Quoiqu’elle eût  pris tous les soins qui étaient en son pouvoir pour acquérir quelques lumières sur son sort, elle informa Aza qu’elle n’en était pas mieux instruite que trois jours auparavant. 

     • Quelles(s) différences remarque-t-on entre les deux énoncés ?

    • Quelle est la situation de celui qui écrit dans chacun des énoncés ? 

     

     

    Enoncé ancré dans la situation d’énonciation

    Enoncé coupé de la situation d’énonciation

    Indicateurs de personne

     

     

    Indicateurs spatiaux

     

     

    Indicateurs temporels

     

     

     II-Notion

    La situation d’énonciation est la situation dans laquelle est produit un énoncé.

    Elle permet d’identifier qui parle, à qui, où, quand, pourquoi et comment. Un énoncé peut être ancré dans la situation d’énonciation : le narrateur prend pour référence sa propre situation. Ex : Mon cher Aza, je n'en suis pas mieux instruite que je l'étais il y a trois jours.

    Ou coupé de la situation d’énonciation : le narrateur raconte son histoire « de loin », il est distant vis-à-vis de celle-ci. Ex : Elle informa Aza qu'elle n'en était pas mieux instruite que trois jours auparavant.

     III-Exercice

    Travail d'écriture en binôme ; un des deux élèves imagine, en sept ou huit lignes, une réponse d' Aza à la lettre XI de Zilia étudiée en lecture analytique. L'autre reprend la lettre sous forme de récit coupé de la situation d'énonciation.

     

    Séance 6 : Lecture d'image : Deux Indiens en pirogue, François-Auguste Biard, 1860.

     

    Lettres d'une Péruvienne, Mme de Graffigny : séquence complète.

           

              Présentation du peintre

    François-Auguste Biard (1799-1882), artiste et explorateur français. Il .commence à peindre dans les années 1820 et trouve la majeure partie de ses inspirations dans ses expéditions, notamment en Norvège, en Laponie, autour du bassin Méditerranéen, au Brésil d’où il rapporte un récit de voyage, Le Pèlerin de l’enfer vert, et ce tableau. En France, ses tableaux étonnent connaissent une grande popularité ; il se rapproche du roi Louis-Philippe dont il est portraitiste officiel. Biard s’est également intéressé aux questions sociales de son temps, en particulier l’abolition de l’esclavage à laquelle il a consacré une toile.

    La mode orientaliste

    Au XVIII eme siècle, peintres et écrivains commencent à s’intéresser à l’Histoire, au mode de vie et à l’art des pays orientaux ; intérêt qui va croître avec, à l’aube du XIX eme siècle, la campagne napoléonienne, puis les expéditions scientifiques en Egypte, le travail de Champollion sur les hiéroglyphes ou encore l’expansion coloniale en Afrique du Nord et en Asie. Des œuvres très diverses sont nées de cette passion occidentale pour l’Orient. Elles sont tantôt inspirées la Bible, les mythes, ( Salomé dansant devant Hérode, Gustave Moreau ), représentent l’Histoire à travers de grands personnages de façon tout à fait libre et fantaisiste ( la figure de Cléopâtre est un sujet privilégié, on pense par exemple à Cléopâtre essayant des poisons sur des condamnés à mort d’ Alexandre Cabanel ou encore César et Cléopâtre, Jean-Léon Gérôme, ou encore la nouvelle Une nuit de Cléopâtre par Théophile Gautier ), ou veulent donner une vision la plus réaliste possible du monde contemporain, comme les paysages que Delacroix a rapportés de sa mission en Afrique du Nord, ou Ingres qui s’intéresse au monde Ottoman.

          François-Auguste Biard n’est pas un peintre orientaliste à proprement parler mais cette mode aura eu sur sa peinture et ses choix esthétiques une certaine influence.

     

    I-Observation

    Tableau représentant un paysage et deux personnages éponymes, les Deux Indiens en pirogue.

    Au premier plan, un homme et une femme voguent paisiblement à bord d’une pirogue sur une rivière ou un fleuve (l’Amazone ?); l’homme, allongé, se repose. La femme porte une gerbe de branches coupées qui sert de voile. Un oiseau passe dans l’angle inférieur droit du tableau. Au second plan, on distingue des rivages verdoyants, un ciel bleu dégagé ; plus loin, au troisième plan, la forêt ( l’Amazonie ?) s’étend.

    Les couleurs dominantes sont le vert, (l’eau, la forêt), le bleu (ciel), et l’ocre (les deux personnages, la barque). Une lumière douce, venu du fond, imprègne l’atmosphère. 

    Le regard du spectateur est particulièrement attiré par la femme, située entre les deux rivages et mise en valeur par la gerbe de branches au centre du tableau.

        II-Analyse

    Le peintre a voulu mettre en valeur la sérénité des personnages, en harmonie avec la nature calme et verdoyante, et ainsi louer le mode de vie des Indiens du Brésil aux spectateurs occidentaux. Il s’agit d’une vision idéalisée et romantique des Indiens d’Amérique.

    Cependant, ce tableau qui accompagne un récit de voyage et représente une scène réellement vue par le peintre est également empreinte d’un certain réalisme. Les possibilités de voyager étant beaucoup plus restreintes qu’aujourd’hui au XIX eme siècle, ces peintres explorateurs étaient également investis d’une mission de documentation que François-Auguste Biard remplit ici.

    III-Comparaison entre le tableau de Biard et Les Lettres d’une Péruvienne.

    Le roman de Mme de Graffigny a été écrit au XVIII eme siècle tandis que Biard a peint son tableau plus d’un siècle plus tard. Les expéditions Napoléoniennes qui ont développé la mode orientaliste n’avaient pas encore eu lieu et l’expansion coloniale a commencé au XIX eme siècle.

    Le roman de Graffigny, au point de vue interne, est centré sur les émotions et les considérations de Zilia ; ici, le peintre offre au spectateur un regard détaché des personnages.

    Graffigny et Biard se sont tous deux intéressés aux civilisations des Indiens Sud-américains. Quoique Mme de Graffigny n’ait pas voyagé au Pérou comme Biard au Brésil, elle a fait un travail de recherche important avant d’écrire Les Lettres d’une Péruvienne.

    Le propos de Mme de Graffigny est clairement engagé contre l’ethnocentrisme.

            Le message de Biard n’est pas aussi clair mais il nous invite à travers ce tableau à considérer d’autres façons de vivre, à la découverte.

                 Graffigny et Biard ne sont pas des auteurs et peintres que l’on peut vraiment qualifier d’orientalistes mais cette mode a eu une influence indéniable sur leur œuvre.

              Au XVIII eme siècle la mode du roman épistolaire se conjugue à celle de l’orientalisme qui naît ; Montesquieu, avec Les Lettres Persanes, l’illustre parfaitement. Mme de Graffigny reprend le thème du regard étranger pour défendre son propos contre l’enthnocentrisme. Au XIX eme, la mode orientaliste, à l’inverse, sert davantage un discours colonial bien que des positions comme celle de François-Auguste Biard soient plus ambigües. 

     

    Séance 9 : Analyses thématiques ; Les Lettres d'une Péruvienne, roman d'aventure, roman d'amour, roman engagé ?

    Travail de recherche en groupe ; chaque groupe traite l'un de ces trois points.

     I- Les Lettres d’une Péruvienne, un roman d’aventure ?

    1) Qu’est-ce que le roman d’aventure ?

    Le mot « aventure » vient du latin « adventura », qui signifie « ce qui doit arriver » ; par extension, on emploie le mot « aventure » pour désigner ce qui arrive d'extraordinaire à une personne. Le héros de roman d'aventure, qui traverse souvent des contrées étrangères, dans des conditions périlleuses, est caractérisé par son intrépidité et sa ruse ; le récit est rythmé par ses découvertes ou les épreuves qu'il rencontre au cours de son voyage, et dont il sortira vainqueur. Il est souvent escorté par un acolyte au adjuvant, qui joue le rôle de faire-valoir du héros, et se confronte à des opposants qui sont des antithèses du héros : fourbes, lâches, de sinistre apparence… le roman d'aventure met en scène des personnages et des situations qui correspondent à certains stéréotypes.

    2) Donner un titre de roman d’aventure et le nom de son auteur ; présentez-le en quelques lignes.

    L'écrivain écossais Robert Louis Stevenson (XIX eme siècle) est un des plus grands représentants du genre ; dans L'île au trésor (1883), roman inspiré de ses propres aventures, un jeune anglais, Jim Hawkins, se lance dans une chasse au trésor après avoir découvert une carte dans la malle d'un de ses amis, assassiné par un pirate. Il se lance dans un dangereux équipage au cours duquel il devra se confronter à plusieurs reprises aux pirates.

    3) Les Lettres d’une Péruvienne correspond-il aux caractéristiques de ce genre ? Expliquez.

    On peut trouver dans Les lettres d'une Péruvienne certaines caractéristiques du récit d'aventure ; notamment dans l 'antagonisme entre Zilia ( l'héroïne ), et les Espagnols qui ont ravagé le temple et l'ont enlevée (les opposants). De plus, le périple de Zilia, partie du Pérou , qui traverse les mers pour arriver en France n'est pas sans rappeler le voyage du roman d'aventure. Cependant, contrairement au héros du genre qui se lance de son propre chef dans les péripéties, Zilia les subies et la plupart des personnages ne correspondent pas aux schémas parfois manichéens du roman d'aventure ; Aza peut-il être considéré comme un allié ? Quel rôle joue Déterville ? Zilia elle-même se comporte-t-elle toujours de façon héroïque ?

    4) Citez une lettre qui pourrait correspondre aux critères du roman d’aventure et/ou une lettre qui pourrait au contraire s’en écarter. Expliquez.

    Dans la lettre III, Zilia relate à Aza la façon don le bateau à bord duquel les Espagnols la tiennent prisonnière a été intercepté par les Français ; mais, contrairement au héros d'aventure, elle n'est pas l'instigatrice des faits et insiste sur le fait qu'elle est victime dans cette histoire.

    II- Les Lettres d’une Péruvienne, un roman psychologique ?

    1) Qu’est-ce que le roman psychologique ?

    Le roman psychologique s'intéresse aux pensées des personnages, leur contradictions et à la violence de leurs sentiments qui constitue souvent la trame du récit. Le héros de roman psychologique est un être complexe, difficile à saisir ou en proie à de profonds tourments, qui évolueront au fil de l'histoire, et que le romancier analyse. Nous avons souvent accès à son intériorité par le procédé du psychorécit ou le genre épistolaire, très à la mode au XVIII eme siècle.

    2) Donner un titre de roman psychologique et le nom de son auteur ; présentez-le en quelques lignes.

    Avec La Princesse de Clèves (1678), Mme de La Fayette signe l'un des tous premiers romans psychologiques. A la Cour d' Henri II, au XVI eme siècle, l'épouse vertueuse et fidèle du prince de Clèves, la princesse est cependant consumée par son amour violent pour le duc de Nemours, séducteur notoire, qu'elle combat de toutes ses forces. Les intrigues de cour dans lesquelles se révèlent les personnalités ambiguës d'une foule de personnages secondaires tiennent également une place importante dans le roman.

    3) Les Lettres d’une Péruvienne correspond-il aux caractéristiques de ce genre ? Expliquez.

    Dans Les Lettres d'une Péruvienne, Mme de Graffigny met en scène une intrigue sentimenale complexe, sous la forme du triangle amoureux. Le genre épistolaire favorise également l'expression des sentiments du personnage principal, auxquels le lecteur a totalement accès.

    4) Citez une lettre qui pourrait correspondre aux critères du roman psychologique et/ou une lettre qui pourrait au contraire s’en écarter. Expliquez.

    La lettre XVIII peut être considérée comme un modèle du genre ; Zilia exprime son amour à Aza en des termes ardents, et manifeste en même temps son trouble et sa vive inquiétude.

    III- Les Lettres d’une Péruvienne, un roman engagé ?

    1) Qu’est-ce que le roman engagé ?

    La notion de littérature engagée apparaît vraiment au XX eme siècle ; cependant, nombre d'auteurs tels que Zola, Hugo au XIX eme siècle, et de philosophes des Lumières au XVIII eme siècle sont, dans les faits, des auteurs engagés. Le roman engagé consiste à transmettre des idées politiques, philosophies, sociales, ou à défendre une cause dont un personnage serait le porteparole, ou l’illustration d’un fait politique ou de société.

    2) Donner un titre de roman engagé et le nom de son auteur ; présentez-le en quelques lignes.

    Dans La Religieuse (1780), Diderot prête sa voix à une jeune fille cloîtrée de force dans un couvent par ses parents. Elle y subit des sévices physiques et psychologiques, des pressions, et adresse des lettres au Marquis de Croismare en priant pour qu’il lui vienne en aide. Il s’agit d’un roman engagé contre les « vocations forcées » de nombres de jeunes filles au XVIII eme siècle.

    3) Les Lettres d’une Péruvienne correspond-il aux caractéristiques de ce genre ? Expliquez.

    Mme de Graffigny, écrivain des Lumières, dans sa préface et dans son introduction historique, prend clairement position contre l’ethnocentrisme et fait de Zilia un porte-parole des valeurs universalistes et de l’émancipation féminine.

    4) Citez une lettre qui pourrait correspondre aux critères du roman engagé et/ou une lettre qui pourrait au contraire s’en écarter. Expliquez.

    Dans la lettre XXIV, Zilia s’indigne de la façon dont sont traitées les Françaises dans le mariage et du formatage psychologique qui tient lieu d’éducation pour celles-ci.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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