• Le texte suivant a été étudié dans le cadre d’une séquence sur la fête en poésie.

     

    Marceline Desbordes-Valmore naît en 1786 dans une famille désargentée. Sa mère, Catherine Lucas, quitte le foyer durant son adolescence ; Marceline l’accompagne en Guadeloupe où Catherine, victime de la fièvre jaune, décède. La jeune Marceline devient actrice de théâtre à son retour en métropole. Elle a deux enfants d’une relation amoureuse passagère ; après celle de sa mère, elle sera bouleversée par la mort d’un de ses enfants à l’âge de cinq ans qu’elle évoquera souvent dans sa poésie. Elle fait paraître en 1819 son premier recueil, Elégies et romances, qui jouit d’un certain succès. En 1833 lui succèdent Les Pleurs puis Bouquets et prières en 1843. Elle décède d’un cancer en 1859.

    Si on la connaît principalement pour sa poésie, et notamment « Les Séparés », elle est aussi l’auteure de nouvelles, contes, romans. Marceline Desbordes-Valmore aura inspiré Lamartine, Hugo, Baudelaire et de nombreux chanteurs. Elle est considérée comme une écrivain emblématique du romantisme français.

    Le titre du recueil, Romances, paru en 1830, d’où est extrait le poème étudié signifie à la fois histoire sentimentale et poème d’amour. « Le Bal » est un poème composé de quatre quatrains en décasyllabes à l’exception du dernier vers de de chaque strophe, un quadrisyllabe qui reprend le premier vers de la strophe.

    Nous allons voir en quoi ce poème détourne le thème de la fête.

     

    Le texte étudié :

     

    L'heure du bal, enfin, se fait entendre, 
    Le plaisir sonne, et tu le fais attendre ! 
    Depuis huit jours, il a pris pour signal 
    L'heure du bal.

    Où sont les fleurs dont l'éclat étincelle ? 
    Elles mourront en te voyant si belle. 
    Mais, sous ta main, je vois rouler des pleurs... 
    Où sont les fleurs ?

    Il est absent ! l'espérance est voilée, 
    Ou, pour le suivre, elle s'est envolée. 
    Je le devine à ton plaintif accent : 
    Il est absent !

    Je n'irai pas ! la danse, mon amie, 
    Est, sans l'Amour, une Grâce endormie. 
    Loin de la fête il enchaîne tes pas : 
    Je n'irai pas ! 

     

    I-La description d’une triste attente festive

    1) Un titre déceptif

    Le titre induit le lecteur en erreur. Le thème du bal est typique de l’imaginaire romantique. C’est un lieu de rencontres, d’échanges, propice à l’éclosion des sentiments et à leur expression. Cependant, la suite du poème ne décrit pas comme on pourrait s’y attendre une scène de bal, mais une attente angoissée et solitaire.

    2)Un jeu de contrastes

    Le vocabulaire de la jouissance : « bal », « plaisir », « éclat », « étincelle », s’oppose à celui de la tristesse : « peur », « voilée », « plainte ». Ce tournant est introduit par la conjonction de coordination « mais » au milieu du deuxième quatrain : « mais sous ta main je vois rouler des pleurs (...) » Au coeur du poème, l’auteure fait référence aux fleurs, allégorie riche de sens en poésie. La fleur , symbole du carpe diem, évoque l’éclat de la jeunesse mais aussi le temps qui passe. La fleur est également un motif que l’on trouve souvent sur les vanités, ces tableaux qui rappellent à l’homme sa condition de mortel. Marceline Desbordes-Valmore donne à la fleur ces différentes significations symboliques dans le vers : « elles (les fleurs) meurent en te voyant si belle », où se croisent le thème de la jouissance et celui de la tristesse.

     

    II-Un poème en forme d’adresse

    1)Une adresse à la jeune fille

    Le poème est adressé à un « tu » dont on ne connaît pas le nom, une jeune fille délaissée par celui qu’elle aime vraisemblablement. La poétesse exprime sa compassion à l’égard de celle-ci, comme le montre l’apostrophe affective « mon amie ». Elle l’observe et semble sensible à sa tristesse : « je vois rouler des pleurs (...) » La marque de la première personne à la fin : « je n’irai pas (!) » laisse supposer que l’auteure s’identifie au personnage ou qu’elle rapporte ses paroles.

    2)Une adresse indirecte au lecteur

    Le poème peut être lu comme une fable dont la morale serait exprimée dans le dernier quatrain : « (…) la danse, mon amie,/ 
    Est, sans l'Amour, une Grâce endormie. » Le présent à valeur de vérité générale, les pronoms « il » et « elle » qui ne renvoient à aucun nom donnent une dimension universelle au texte.

     

     

    Marceline Desbordes-Valmore détourne le thème de la fête en utilisant volontairement un titre déceptif. Le champ lexical de la célébration contraste avec celui de la tristesse de la jeune fille à laquelle s’adresse ce poème, empreint de mélancolie romantique.

     

     

     

     


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