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Mme de La Fayette au programme du bac
Merci à l'enseignante Françoise Cohen d'avoir mené cette pétition qui a permis qu'une auteure soit au programme du bac cette année, et également à Najat Vallaud-Belkacem qui a entendu sa proposition (on critique assez quand ça ne va pas...)
C'est une double bonne nouvelle à mon sens. Pourquoi ?
La première raison est que cette entrée de Mme de La Fayette dans le programme de terminale littéraire ouvre l'étude d'un continent encore trop -hélas- inexploré de notre culture, d'une grande partie de notre patrimoine que nous devons transmettre à nos élèves. Pendant trop longtemps les manuels ont donné une image erronnée de la littérature française, omettant des chef d'oeuvre, sous le simple prétexte qu'ils avaient été écrits par des femmes. Prétexte la plupart du temps non assumé ou réfléchi mais qui perpétuait une tradition selon laquelle un roman écrit par une femme est inintéressant sur le plan littéraire, car durant longtemps on n'a que peu accordé de réelle légitimité aux femmes sur le plan littéraire en France. Alors soit, on parle des fameuses exceptions qui confirment la règle : Chrisitine de Pisan, Marie de France, Louise Labé, Mme de La Fayette bien sûr (et encore, qui parmis nos élèves peut citer une de ces auteurs), qui n'en demeurent pas moins de brillantes écrivains, et, évidement, George Sand. Une des seules qui semble avoir été épargnée par cette réputation de scribouilleuse mièvre ou de bas-bleue dans laquelle sont tombée la plaupart de ses consoeurs. Mais si George Sand se voit attribuer l'honneur de figurer aux côtés d'Honoré de Balzac ou Victor Hugo dans les manuels, c'est parce qu'elle s'appelle George et non Aurore Dupin. George Sand, ça sonne tout de suite plus acceptable, plus sérieux, plus... masculin. Mais que sont devenues Mme de Tencin, Mme de Genlis, Mme de Graffigny, Jane de la Vaudère, Rachilde, Nina de Villars, Renée Vivien, pour ne citer qu'elles, et si appréciées de leur lectorat contemporain, qui reconnaissait leur talent ? Disparues. On en voit renaître certaines, doucement, dans les manuels. Alors certes, en intégrant Mme de La Fayette au bac, les programmes font plutôt dans l'académique, les valeurs sûres et admises, mais ça se respecte, c'est un premier pas vers la parité qui devrait être naturellement respectée.
La seconde bonne raison de se réjouir de cette entrée au programme, c'est le titre choisi, tout autant que l'auteur. Peut-être parce que La Princesse de Clèves avait déjà été proposé au programme, c'est La Princesse de Montpensier qui a été sélectionné. Il y a longtemps que je ne l'ai pas lu, cependant ce texte a l'avantage d'être une pièce vierge de tout préjugé, ayant été épargnée jusque là par les éditeurs d'analyse d'oeuvre spécial lycéens, et sur lequel sera porté, espérons-le, un regard neuf, un vrai regard. C'est également l'occasion de montrer aux lycéens l'étendue du talent de Mme de La Fayette, qui n'est pas l'auteur d'une seule œuvre, comme nombre de chanteurs ne sont pas interprètes d'une seule chanson, mais c'est comme ça, on ne connaît que celle-là. Avec La Princesse de Clèves, on connait la finesse d'analyse pyschologique de Mme de La Fayette dans la peinture des sentiments amoureux, et encore, il est réducteur de dire ça : la peinture de la culpabilité, de la jalousie, de la Cour au temps des Valois... La Princesse de Montpensier se situe sur un registre plus sombre, et ce roman, par son intensité, son efficacité narrative, sa brièveté, est résolument moderne.
C'est un pas de plus qui fera cesser ce déni dans lequel nous avons pour beaucoup été plongés, nous qui avons pu croire, parfois, que la culture française était masculine.
Mme de La Fayette au programme du bac cette année, c'est un acte symbolique fort, c'est prouver aux élèves que l'équation auteur= homme est fausse, c'est les ouvrir à un chef d'oeuvre qui mérite d'être reconnu à sa juste valeur, qui va en envoûter, en captiver beaucoup, et c'est normal.
La Princesse de Montpensier, film de Bertrand Tavernier (ah oui... lui aussi est au programme, mais il ne concerne pas directement notre propos).
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