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Mme de Genlis, "Mademoiselle de Clermont".
Une grande oubliée, et pourtant si célèbre en son temps, du monde littéraire de notre époque.
Stéphanie Félicité du Crest de Saint-Aubin, née en 1743, morte en 1830, a joué un rôle important la vie cultuelle et politique de son temps.
La jeune Félicité grandit dans une famille aristocrate et mondaine. C'est en épousant Charles-Alexis Brûlart qu'elle prend le patronyme de Mme de Genlis, qui deviendra son nom de plume. Elle publie tout d'abord des comédies, puis un roman épistolaire, Adèle et Théodore, qui obtiendra un grand succès, cependant controversé.Elle excelle dans l'art du récit court, comme en témoigne sa nouvelle historique Mademoiselle de Clermont.
Mme de Genlis s'intéresse également à l'histoire et à la philosophie. Femme cultivée, elle sera nommée gouverneur de la maison d'Orléans. Elle accueille avec intérêt les premières idées révolutionnaires, avant d'être contrainte à l'exil. Le régime de la Terreur lui est particulièrement hostile. C'est dans ces années-là que seront exécutés son mari, le roi, et son ancien amant, Philippe Egalité. Le retour d'exil est pour elle une période plus propice à l'expansion de ses idées désormais contre-révolutionnaires.
Son travail est salué par des personnalités littéraires aussi diverses que et Georges Sand, Jean le Rond d'Alembert, les frères Grimm,et Marie-Joseph Chainier, qui n'hésite pas à comparer son œuvre à celle de Mme de La Fayette. Elle souffrit cependant du sexisme en vigueur au XiX eme siècle, lorsque Charles-Augustin Sainte-Beuve la taxe « d'écriveuse », Jules Barbey d'Aurevilly, de « vieille corneille déplumée » et les Goncourt de « fée de la pédanterie ».
Est-ce en raison de cette réputation de mauvaise écrivain qu'elle a injustement subie, injustement, comme en témoigne la brillante nouvelle Mademoiselle de Clermont, qu'on la trouve encore si peu dans les manuels et les bibliothèques aujourd'hui ?
Dans le court récit historique Mademoiselle de Clermont, éclate tout le génie classique de Mme de Genlis qui répond si bien au précepte d'écriture qu'elle a fixé : « clarté, naturel, pureté, élégance sont les marques indispensables d'un bon style », et à sa conception de la nouvelle : « dans ce dernier ouvrage tout doit marcher au but avec rapidité, ou tout doit s'y rapporter. »
Mademoiselle de Clermont raconte l'authentique passion de la jeune Marie-Anne de Bourbon-Condé, princesse de sang, pour un duc que son rang social lui interdit d'épouser. Dans cette histoire véridique rapportée à l'auteur, nulle facilité telle que le coup de foudre, l'épanchement du langage amoureux. La nouvelle est courte, efficace, dépouillée de tout artifice.
Extrait de la nouvelle
J'ai vécu sur les bords heureux que la Loire baigne et fertilise ; dans ces belles campagnes, dans ces bocages formés par la nature, l'amour n'a laissé que des traces légères, des monuments fragiles comme lui, quelques chiffres grossièrement ébauchés sur l'écorce des ormeaux, et, pour traditions, quelques romances rustiques, plus naïves que touchantes. L'amour seulement a plané sur ces champs solitaires ; mais c'est dans les jardins d'Armide ou de Chantilly qu'il s'arrête, c'est à qu'il choisit ses adorateurs, qu'il marque ses victimes, et qu'il signale son funeste pouvoir par des faits éclatants recueillis par l'histoire et transmis d'âge en âge. J'entrprends d'en retracer un dont le souvenir touchant poursuit partout à Chantilly et en répand sur ces beaux lieux un charme mélancolique.C'est dans les bois de Sylvie , c'est dans l'allée fatale de Melun, c'est sur la trace de ces deux amants infortunés que j'ai médité le triste récit de leurs amours... Je laisse à d'autres la gloire de briller par des fictions ingénieuses, je ne veux intéresser que par la vérité ; si j'y parviens, je m'en applaudirai : plaire en offrant que des tableaux touchants et fidèles, c'est instuire.
Il serait envisageable d'étudier cette nouvelle dans une classe de première ; la ocmplexité, la subtilité du langage de Mme de Genlis rendrait son étude difficile en classe de seconde, par ailleurs, elle ne s'inscrirait dans aucun objet d'étude.
L'étude de cette nouvelle pourrait se faire dans le cadre d'une lecture cursive.
Il existe bien entendu une multitudes de problématiques qui pourraient ouvrir la lecture de ce texte, j'en retiendrais trois :
-le récit historique ; entre réalité et fiction.
-le parallèle avec La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette, dans le cas où ce roman serait étudié en lecture suivie.
-le récit d'apprentissage.
Le récit historique : entre réalité et fiction.
Le parallèle avec La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette.
Le récit d'apprentissage.
-Le modèle du récit historique moderne : la référence de La Princesse de Clèves, Mme de La Fayette, et les caractéristiques du genre.
-L'interêt de se référer à des faits réels et d'en faire part au lecteur : « plaire en offrant des tableaux touchants et fidèles, c'est instruire. »
-Le cadre du récit ; un personnage principal «(Marie-Anne de Bourbon-Condé), idéalisé, une intrigue romancée ; le passage de la réalité à la fiction. Le « réalisme » de la vie de Cour à Versailles au XVIII eme siècle.
-Une description du système de Cour à Versailles, ses intrigues et ses contraintes.
-Le récit d'une passion interdite d'après les exigences de l'éciture classique.
-Les origines et caractéristiques du roman d'apprentissage.
-L'évolution du personnage ; légère, coquette au début de la nouvelle, sincère et responsable à la fin.
- L'étude de cette nouvelle pourrait introduire ou accompagner l''étude d'un roman d'apprentissage tel que La Chartreuse de Parme de Stendhal, où l'analyse du système de Cour, la découverte du sentiment amoureux tiennent également une place centrale.
Image: Félicité,Comtesse de Genlis, par Jacques-Antoine-Marie Lemoine.
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